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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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portée de l’atteindre. Tendaient-ils un piège ? La prudence eût conseillé de ne pas attendre, d’avancer et de les mitrailler sans leur laisser prendre position, si peu redoutable parût-elle. Mais, comme Bernard s’en était douté en voyant tout à l’heure les chasseurs tyroliens repousser simplement l’attaque sans poursuivre leur avantage, ils ne disposaient pas de munitions inépuisables. Escomptant d’autres assauts, ils ménageaient leurs cartouches. Ils ne feraient une sortie que s’ils y étaient contraints. Bernard avait tablé là-dessus, pensant qu’ils ne réagiraient pas à l’installation des compagnies et attendraient un assaut. Celles-ci prêtes, il donna le signal du tambour, tout en commandant de tirailler vers la butte pour déconcerter encore davantage l’adversaire.
    Les Tyroliens ne prirent pas la peine de répondre à ces balles vaines. Ils devaient rire. Bernard alla vivement à la rencontre de la batterie qui arrivait au galop. Son capitaine était jeune, d’esprit prompt. Beurnonville l’avait bien choisi. Il comprit en quelques mots le dessein du lieutenant-colonel. Dételées rapidement, les pièces furent mises en position entre la 7 e et la 9 e  compagnie, à cent pas en arrière, de manière à se trouver sous la protection des fusils et de l’artillerie légère. Précaution bien nécessaire, car les Autrichiens avaient compris maintenant. Descendant en force de la butte, ils se ruaient vers la batterie sans plus ménager leurs munitions. Sur les deux flancs, les lignes de tireurs les accueillaient par des feux de file ininterrompus. Quand ils parvinrent à portée, la 7 e et la 9 e les criblèrent de face. C’était l’inverse de la situation précédente : ils avançaient dans les rues, s’abritant comme ils pouvaient, et les Français, à couvert, les tiraient comme des lapins. Ils progressaient cependant, malgré la mousqueterie et les boulets de 4, mais leurs balles n’atteignaient pas, loin de là, les artilleurs, lorsque ceux-ci furent en mesure d’ouvrir le feu à leur tour. Deux canons, crachant la mitraille, balayèrent les vestiges des rues. Deux autres, pilonnant de leurs boulets ce qui restait des maisons, du moulin, bouleversaient les ruines elles-mêmes. Les obusiers arrosaient le tout de leurs projectiles à trajectoire courbe, et les éclats fouillaient méchamment les moindres refuges.
    L’effet de l’artillerie de calibre, employée ainsi à courte distance, était terrifiant. Dans le grondement des pièces et les explosions des obus, on entendait de grands cris. Au milieu de la fumée, des panaches de poussière, des moellons qui volaient, on voyait des corps projetés, des membres lancés en l’air. L’horreur étreignait Bernard, sans toutefois lui faire oublier son devoir. Formant en colonne les compagnies de droite, il les porta vers l’extrémité du bois, pour dépasser le moulin. Les Tyroliens, en retraite, se rassemblaient à l’arrière de la butte. Abrités des boulets, ils s’accrochaient à cette position de repli. Ils répondaient par des feux encore redoutables aux tirs des volontaires défilés derrière les troncs. Puis, les obusiers augmentant leur angle de pointage, les projectiles ronflèrent par-dessus les ruines du moulin et vinrent éclater au milieu des uniformes gris. Il ne leur restait plus d’espoir. Par paquets, ils commencèrent de se débander. Bientôt ce fut un sauve-qui-peut. Poursuivis par les balles, les rescapés : une poignée, se dispersèrent et s’enfuirent en direction du nord-est.
    Bernard fit battre « Cessez le feu » et « Rassemblement ». Malinvaud, montre en main, annonça : « Trente-cinq minutes depuis que nous avons quitté la brigade, à peu près un quart d’heure depuis l’arrivée de la batterie. » Les capitaines vinrent au drapeau colonel pour rendre compte. Le bataillon avait un blessé : un lobe d’oreille emporté par une balle. Les Tyroliens, cette fois, laissaient de nombreuses victimes sur le terrain. Quand on voulut relever les survivants, ils manifestèrent une véritable terreur. Ceux qui pouvaient parler criaient grâce. Ils croyaient que les « Jacoquins », mangeurs de chair humaine, allaient leur arracher le cœur pour le dévorer tout chaud. Les chirurgiens de la division les pansèrent, et on les évacua sur Valenciennes, avec les blessés belges et français de la première attaque, dans des voitures escortées par un demi-escadron de

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