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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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hussards.
    Le bataillon s’était établi en avant de Boussu dévasté, avec le bataillon belge en grand-garde. Le soir tombait mais on distinguait encore, à environ une demi-lieue en montant, presque à portée d’une pièce de 12, un autre village, nommé Quaregnon, vers lequel les Autrichiens rescapés s’étaient enfuis. Bernard apprit que, plus loin, à gauche de la chaussée, on trouvait un bourg : Jemmapes ; plus loin encore, à droite, un autre : Cuesmes, et enfin un dernier : Berthaimont. Assis sur une ligne de plateaux que franchissait la route de Mons, ils formaient à cette ville un rempart naturel. Quaregnon devait être fortement tenu. L’ennemi ne s’en cachait pas : dès cinq heures, on vit en nombre ses feux que la nuit humide faisait scintiller. Chez les vainqueurs aussi, la soupe chauffait sur des foyers de fortune. Le général belge vint visiter ses volontaires qui s’étaient battus. Ses deux filles l’accompagnaient sans crainte dans cette tournée aux avant-postes. En vérité, elles ne redoutaient rien. L’aînée – dix-neuf ans – passait pour avoir, dans un coup de main, tué un officier ennemi et ramené des prisonniers. À la lueur des flammes et des falots, dans son uniforme de lieutenant, qui épousait des rondeurs peu militaires au-dessous de la veste et sous le hausse-col de cuivre, elle troubla Bernard. Des songes singuliers traversèrent son sommeil, cette nuit-là. Il avait eu pourtant l’occasion, récemment, de satisfaire « ces besoins », comme disait Lise. Après des semaines et des semaines de marches, de combats, Malinvaud et lui, compagnons de détente ainsi qu’autrefois au Naveix, avaient trouvé à Valenciennes une faune accueillante qui abondait là comme autour de tous les camps, pour le plaisir, périlleux, du soldat.
    Le dimanche 4 au matin, tandis que le gros de l’avant-garde se disposait à attaquer Quaregnon, la brigade fut envoyée dans la plaine avec mission de pousser jusqu’à la route de Maubeuge à Mons en délogeant au passage tous les avant-postes, sur la limite de cette courbe dont Bernard s’était figuré le dessin d’après les premières reconnaissances. Les quatre bataillons composant la brigade – plus exactement, le régiment de ligne commandé par un colonel, et les deux bataillons de volontaires : celui de Bernard, celui des Belges – se mirent en marche à huit heures, avec le général Roustan à leur tête sur son cheval pommelé. Sous le ciel bas et sombre, on commençait juste de voir à quelque distance. Comme toujours, les Belges allaient en éclaireurs. Au cours de la journée on enleva successivement six postes, dans lesquels le régiment laissait des sections ou des compagnies. Les plus forts se révélèrent être les hameaux de Wasmes, Paturages, Frameries. L’ennemi les céda cependant sans grande opposition. Ce n’était pas là des points de défense, mais seulement des gardes avancées. Les généraux autrichiens n’entendaient pas y sacrifier inutilement du monde dont ils avaient besoin pour leur véritable dispositif de bataille, sur les plateaux. Des trente mille hommes du duc de Saxe-Teschen bordant la frontière depuis Tournay, il ne devait guère s’en trouver sous Mons plus de quinze à vingt mille. Avec le renfort de Clerfayt, cela ne faisait guère que vingt-sept à trente mille, devant les quarante de Dumouriez. Les Autrichiens devaient donc ménager leurs effectifs. À Frameries, élevé sur un ressaut, la résistance, plus facile, s’était un peu prolongée, coûtant quelques morts et, à Bernard, un morceau de peau enlevé à l’extérieur du bras gauche par une balle : une longue écorchure, simplement.
    Le jour tombait déjà quand on fut maître de la position. On ne pouvait sans imprudence pousser plus avant, à cette heure, dans une zone certainement très proche de l’aile gauche autrichienne. On prit donc la suite de l’ennemi dans ses bivouacs et on entoura le village d’une forte garde relevée toutes les deux heures. Après la soupe, Bernard, avec le colonel du régiment à perruque et le chef du bataillon belge, alla au rapport chez le général de brigade. Il lui semblait que celui-ci, depuis la veille : depuis la prise de Boussu où lui-même avait échoué, lui battait froid. Il en eut confirmation. Roustan, ci-devant de Taschère, vieux colonel de la ligne récemment promu brigadier, était habituellement courtois. Auparavant, il n’eût point manqué de

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