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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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compromettre. »
    Tandis que Lise le remerciait de ce précieux cadeau, Claude lui présentait Bernard, surpris de découvrir si bon enfant le fameux Danton. Lequel devint aussitôt fort grave, s’intéressant à l’état d’esprit des volontaires et à leur état matériel. Il interrogea pertinemment le jeune capitaine, le fit parler. Puis : « Cela est important, très important pour nous tous, dit-il en remuant sa grosse tête de dogue. Vous l’ignorez peut-être vous-mêmes, mais vous êtes l’armée de la France. C’est sur vous seuls que nous pouvons compter. Ah ! vous n’avez pas d’intendance, vous n’avez pas de souliers ! Foi de Danton, les Cordeliers vous en donneront. Sacré bon Dieu ! je vais le secouer, ce… Comment s’appelle cette espèce de marionnette qu’ils ont mise à la Guerre ?
    — Degrave, dit Claude.
    — Ah oui ! Eh bien, qu’il prenne garde à ses dents, je vais le secouer à les lui faire branler dans les gencives. Quoi ! à huit jours peut-être de marcher à l’ennemi, les soldats du peuple manquent de souliers !
    — Citoyen, objecta sagement Bernard, je ne sais si tous les volontaires ont de mauvaises chaussures. Ce n’est pas prouvé. Je parle de nos deux bataillons, dont les fournitures sont mauvaises.
    — Fort bien, capitaine. Soyez sûr qu’elles l’ont été également pour beaucoup d’autres. Au demeurant, l’armée de la nation n’a pas à s’équiper elle-même. Et puis quoi, conclut Danton en humant son café, il faut toujours secouer les ministres : ils sont là pour ça, ces bougres. Le père Roland aussi, je le ferai valser. Pourquoi s’est-il embarqué sur cette galère, ce savant imbécile ? Il n’y a plus rien à espérer du Roi ni de la Cour perverse. De quoi se flatte-t-il donc ? C’est sa femme qui l’a poussé, bien entendu. Avec ses airs de Sainte-Nitouche ! Je ne peux plus la souffrir, cette pécore. »
    Danton venait soudain de rompre violemment, au Conseil général de la Commune, avec les modérés, feuillants et fayet-tistes, en les accablant d’insultes, de jurons et de menaces. Aux Jacobins, il avait presque aussi brutalement pris parti contre la famille royale, et il célébrait « l’alliance indissoluble entre la force armée et la force populaire, c’est-à-dire entre les citoyens qui portent les baïonnettes et les citoyens qui portent les piques ». Après sa période d’étrange indolence, il entrait de nouveau en éruption. Il se déclarait en complet accord avec Marat, se rapprochait de Robespierre, avec lequel il semblait devenir tout à fait ami. Peut-être Camille les poussait-il. En tout cas, Maximilien, que l’on avait vu rarement cour du Commerce, y fréquentait maintenant avec assiduité. À en croire Lise, ce qui l’attirait parmi les familiers de Danton, chez celui-ci ou chez les Desmoulins, c’était la charmante Adèle Duplessis. À coup sûr, il fallait un motif puissant pour lui faire quitter la chapelle toute parfumée d’encens, que lui constituait la famille Duplay. Car il y vivait de nouveau. Dès la fin de décembre, comme il était malade, M me  Duplay, déclarant que Charlotte le soignait mal, le lui avait, au cours d’une scène furibonde, enlevé pour le réinstaller triomphalement rue Saint-Honoré. Claude ne partageait pas l’avis de sa femme. La passion de ses idées occupait bien trop Maximilien pour le laisser s’intéresser vraiment à une jeune fille.
    « Alors, Bernard, comment le trouves-tu, notre formidable ami ? demanda Lise après le départ de Danton.
    — Étonnant ! À tous égards. Mais est-il bien sérieux ?
    — Dans ses convictions, oui, répondit Claude, n’en doute pas. Sauf quand il entre en colère, dans ses façons il y a toujours un peu de moquerie. Cela trompe sur le fond.
    — Peut-être. Pour ma part, j’aurais davantage confiance en Robespierre, il me semble. »
    Bernard n’avait obtenu de Jourdan que vingt-quatre heures. Il en fallait quatre, avec les courtauds de poste, pour regagner Étampes. Il partit le lendemain soir, après avoir passé ce dimanche dans la seule compagnie de Lise et Claude, comptant revenir à la fin de la semaine si le bataillon demeurait encore là.
    Dans la relevée du lundi, Claude apprit par un billet de Rœderer que tout était arrangé pour la machine à décapiter. Un Allemand trouvé par Sanson se chargeait de la construire moyennant un prix que les Finances acceptaient. « Le particulier en

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