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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Département. J’y allai avec une délégation de mon Conseil. Nous résolûmes d’un commun accord que les quatre commissaires rendraient compte, le lendemain dans la relevée, devant la municipalité et les membres du Directoire. La force publique assurerait l’ordre. Le lundi, de bonne heure, on affiche en ville un placard que nous avions rédigé la veille, afin d’inviter la population au calme. Le commandant de la gendarmerie est requis de faire monter à cheval deux brigades pour patrouiller dans les rues, et votre ami Barbou d’envoyer un détachement de gardes nationaux sur la place du Gouvernement. Toutes les administrations siègent là, maintenant, dans l’ancienne Intendance. La municipalité aussi : nous avons abandonné la maison de la rue du Temple. Lundi donc, à deux heures nous étions en séance, attendant de nous réunir avec le Directoire, lorsque nous fûmes soudain envahis par une foule qui ne cessait, depuis une heure, de grossir et de brailler sur la place. Elle était entrée dans la cour et avait jeté dans notre salle un groupe d’excités, parmi lesquels ce Préat que l’on voit à la tête de toutes les agitations populacières. Ils m’accusent de complot contre les patriotes : il y a dans la Monnaie une troupe de mes ouvriers en armes, qui attendent mon signal pour fondre sur le peuple. Je me borne à hausser les épaules en répondant : Allez-y voir ! Le président du District et celui du Directoire jugent bon de les faire accompagner par des commissaires. Une délégation de six manifestants et de quatre municipaux s’en va visiter les ateliers. Elle revient, n’ayant, bien entendu, rien trouvé hormis le personnel tranquillement au travail comme d’habitude. En outre, votre père la suivait et donnait sa parole de jacobin qu’il n’y avait et n’y avait eu aucun rassemblement ni la moindre chose suspecte dans l’enceinte de la Monnaie. Là-dessus, flottement de la foule. Elle se retire, mais reste à l’entrée de la cour. Nous passons dans la salle du Directoire pour y recevoir les commissaires aux achats de grains. Garaud et Mallet étaient là. Au bout d’un moment, Begougne et Janni arrivent au milieu d’une escorte où se retrouvent le Préat et ses acolytes mélangés avec des chasseurs de la garde, dont j’ai toujours été, vous le savez, la bête noire, et qui m’insultent, me traitant de spéculateur, d’affameur, criant que ma femme était en train en ce moment, avec d’autres gueuses comme elle, de distribuer des cocardes blanches aux officiers aristocrates des grenadiers et de la cavalerie, de les inciter à massacrer le peuple. Je dois dire qu’effectivement Thérèse – vous connaissez son caractère – se trouvait en face chez les Mathis, avec ses amies, aux fenêtres, en robe blanche. Elle portait non pas une cocarde de cette couleur, qui, du reste, ne se serait point distinguée, mais une écharpe blanche nouée au cou, car il ne faisait pas chaud malgré un peu de soleil. Qu’elle adressât des signes et des paroles aux officiers, rien de plus naturel : c’était Mailhard, c’était Tabaraud, c’était du Cluzeau, etc., tous nos familiers enfin. »
    Eh oui, parbleu, c’était toujours l’opposition entre la même coterie – celle des gros bourgeois continuant à se considérer comme supérieurs, à part, destinés à dominer – et le reste du peuple qu’ils méprisaient d’instinct. Parmi ces aristocrates de l’argent, Louis et Thérèse n’avaient-ils pas toujours tout fait pour se désigner à l’envie et à la colère ? Son ostentation, à lui, sa morgue, à elle, les avaient rendus détestables, et l’emploi de leur fortune plus que cette fortune elle-même d’ailleurs toute d’apparences, bien inférieure en réalité à celle de certaines autres familles qui montraient beaucoup moins la leur et ne portaient pas l’imagination populaire à l’exagérer. Claude voyait nettement le spectacle de la vieille petite place en ce jour de printemps froid. Dans la cour de l’ex-Intendance reliée au couvent Saint-François par l’arc du Portail Imbert avec sa bretèche, ses mâchicoulis, les tilleuls devaient bourgeonner. De l’autre côté, l’ancien Présidial, devenu tribunal du département, dressait à contre-jour sa façade plate, en retour d’angle avec le flanc sombre de l’église Saint-Michel.
    Le clocher, ses clochetons, sa flèche et la boule verte d’oxyde, faisaient tourner lentement leur ombre

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