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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pensée aura été toute de reconnaissance et de consolation : reconnaissance pour le merveilleux bonheur que tu m’as dispensé, consolation parce qu’en vous quittant, Bernard et toi, je vous réunis après vous avoir séparés. C’est lui maintenant qui te tiendra dans ses bras, et je serai présent en vous comme, loin de nous, il l’a toujours été dans nos cœurs. »
    Le 14 janvier, la fièvre avait atteint un degré tel qu’au matin un ancien vainqueur de la Bastille, osant dire dans sa section que l’on pouvait affermir la république sans pour cela verser le sang de Louis XVI, un fédéré lui passa incontinent son sabre au travers du corps, et la foule le traîna par les pieds, le long de la Grève, sous les fenêtres de la Commune, jusqu’à ce qu’il expirât. Au Manège le peuple s’entassait dans les tribunes. On pouvait y reconnaître tous les hommes influents des sections. Les galeries piétinaient sur la tête de la Montagne et de la droite en criant d’impatience tandis que celles-ci se livraient un combat passionné sur le libellé des questions. Après cinq heures de disputes, on s’arrêta enfin aux formes et à l’ordre suivant : 1 o  Louis est-il coupable ? 2 o  Le jugement, quel qu’il soit, sera-t-il renvoyé à la sanction du peuple ? 3 o  Quelle sera la peine infligée ?
    Malgré le décret rappelant à Paris tous les représentants en mission, Danton n’était toujours pas revenu de Belgique. Claude devait avec Lise souper au Pont-Neuf pour profiter d’une aubaine, Dubon ayant reçu d’un habitant de Bondy, auquel il avait rendu service, un magnifique cuissot de sanglier. Margot était allée le préparer, il marinait depuis la veille. Lise avait envoyé des pommes de terre pour compléter le menu. En sortant de table, Claude dit qu’il allait faire un saut chez Danton pour savoir si l’on n’y avait pas de ses nouvelles. Cette absence prolongée au-delà de toutes limites cachait certainement quelque chose. Deux fois, Gabrielle-Antoinette avait montré à Lise de brefs billets de Danton annonçant son prochain retour : « Embrasse mille fois mon petit Danton, dis-lui que son papa tâchera de n’être plus longtemps à dada. » Et, plus récemment : « L’ami Brune t’a exagéré les choses en te donnant lieu de croire que je serai retenu par ma mission. J’espère bien t’embrasser au 1 er  janvier, après avoir passé un jour ou deux à Arcis. » Depuis, plus un mot. « Il ne m’aime plus », sanglotait la pauvre Antoinette qui arrivait presque au terme de sa nouvelle grossesse. La jalousie s’ajoutait maintenant à ses chagrins. De mauvais bruits couraient sur la conduite de son mari en Belgique : il menait, disait-on, un train de proconsul, se remplissant les poches et s’encanaillant avec des libertins, des trafiquants, comme d’Espagnac, et des filles galantes. Un journal sournoisement royaliste, La Feuille du Matin, publiait cet écho : « Que n’a-t-on pas dit de moi ! s’écriait un jour Danton. – Que vous êtes un honnête homme, répondit froidement M me  C…»
    À peine entré dans l’appartement, cour du Commerce, Claude sut que Danton était enfin là. On l’entendait. Il rugissait. Claude eut l’impression de tomber en pleine scène de ménage, et il allait battre en retraite lorsque Danton, l’apercevant par la porte ouverte, l’appela. « Entre, entre ! Tu n’es pas de trop, au contraire. Regarde l’infamie que je viens de trouver en arrivant chez moi ! »
    C’était une lettre de l’ancien ministre Bertrand de Molleville, émigré en Angleterre. « Je ne crois pas devoir vous laisser ignorer plus longtemps, monsieur, écrivait-il, que dans une liasse de papiers que feu M. de Montmorin m’avait remise en garde et que j’ai emportée avec moi, j’ai trouvé une note indicative de différentes sommes que vous avez touchées sur le fonds des dépenses secrètes des Affaires étrangères, et de la personne par l’entremise de laquelle ces paiements ont été effectués. Vos relations avec cette personne sont constatées par un billet de votre main. » Molleville menaçait d’envoyer ces deux pièces au président de la Convention nationale, « si vous ne vous conduisez pas dans l’affaire du Roi comme doit le faire un homme qui en a été si bien payé. Si, au contraire, vous rendez dans cette affaire les services dont vous êtes capable, soyez sûr qu’ils ne resteront pas sans récompense. Au

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