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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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être communiquée au roi. Cette note, rédigée par Gensonné, énumérait simplement ce que la nation attendait de Louis XVI : le rappel des ministres patriotes, la promulgation des décrets refusés, etc. Il n’y avait là rien que l’Assemblée législative n’eût approuvé. La Convention l’admit et le souligna en élisant Vergniaud à la présidence. La seule victime de cette fausse bombe, c’était le roi, car l’infructueuse intervention des trois députés de la Gironde le montrait, peu de jours avant le 10 août, fermé à tout esprit de conciliation, donc résolu à l’épreuve des forces.
    Barère, le dernier, prit la parole. Après son discours, froid, ennuyeux mais solide, contre l’appel au peuple, tout se trouva dit sur la question. Desmoulins tenait une harangue prête. On ne la lui laissa point lire, on était excédé d’entendre répéter sous une forme ou une autre les mêmes éternels raisonnements pour ou contre. La clôture fut votée sans opposition. Restait à fixer le jugement. La droite demanda un délai pour que l’on discutât les arguments de la défense. Malgré les violentes clameurs des Montagnards, la majorité y consentit. Un décret reporta au 14 de ce mois de janvier 1793 le scrutin sur la culpabilité de Louis XVI.

IX
    En dépit du froid, la fièvre montait, dans Paris. La rigueur de l’hiver, la cherté croissante des vivres, portaient le menu peuple au désespoir. Les faméliques, grelottant dans leurs guenilles, mendiaient. Dans les queues de gens emmitouflés qui piétinaient devant les boutiques, la pitié pour le roi luttait mal contre l’idée que ces privations disparaîtraient avec lui. Hébert, Marat répétaient à l’envi dans leurs feuilles que les royalistes affamaient la population pour la soulever contre la Commune et l’Assemblée. Le roi mort, ses satellites privés de l’espoir de le rétablir, il n’y aurait plus de monopoleurs. Indignés par les lenteurs que la Convention mettait à en finir avec le dernier tyran, des citoyens et des citoyennes conduits par Théroigne de Méricourt, par Saint-Huruge, manifestaient leur colère autour du Manège. Les agitateurs habituels des faubourgs menaient des bandes de « veuves et orphelins du 10 août » réclamer à la barre le châtiment du responsable. Le ministre de la Guerre, Pache – tout dévoué aux sans-culottes et dont la femme et les filles couraient les sociétés populaires – retenait dans Paris, pour assurer l’ordre, disait-il, les troupes destinées aux frontières. Avec les fédérés du Midi qui refusaient de partir tant que le sort de Louis XVI ne serait pas réglé, cela faisait beaucoup trop d’hommes en armes dans la ville remuante sous les houles de nuages bas. Et, parmi ces agitations, des intrigues se poursuivaient plus ou moins souterrainement. Les millions que Pitt refusait pour l’évasion du roi, les agents anglais les distribuaient à pleines mains pour le perdre. De Londres, Talon, l’ancien contrôleur de la liste civile, écrivait à Jarjayes : « M. Pitt veut la mort de Louis XVI. C’est hideux, effroyable, mais il n’y a rien à faire. » Soutenus, au contraire, par l’ambassadeur d’Espagne, les royalistes, les monarchistes se démenaient. Il n’y avait plus aucun espoir d’opérer un enlèvement au Temple. Du moins employait-on tous les moyens pour gagner au roi des votes. Cela se savait. Camille citait les sommes offertes à certains députés « achetables ». Des filles galantes étaient utilisées pour en séduire d’autres. Des femmes de qualité, même, se dévouaient au salut du monarque. Quant aux incorruptibles, ils recevaient des lettres menaçantes ; on leur promettait que s’ils votaient la mort ils seraient frappés à leur tour. Claude cachait soigneusement à sa femme ces menaces irritantes mais non susceptibles d’influer, ni dans un sens ni dans l’autre, sur son opinion. Il ne craignait pas la mort. Comme le disait justement Marat, tous les révolutionnaires devaient s’y attendre. Seulement, tous les révolutionnaires n’avaient pas le bonheur de vivre avec une Lise. La pensée de cette séparation possible était poignante, et plus poignante encore l’idée de sa douleur à elle. Heureusement, il y avait Bernard. Claude rédigea en secret une sorte de testament qu’il garda dans sa poche. Il y disait à Lise : « Si je tombe sous le poignard d’un assassin, sache bien, ma chère amie, que ma dernière

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