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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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reste, je n’ai mis personne dans la confidence de la lettre que je vous écris : ainsi n’ayez aucune inquiétude à cet égard. »
    Renversée dans un fauteuil, gênée par son gros ventre, Gabrielle-Antoinette regardait avec effroi son mari qui allait et venait tandis que Claude achevait de lire. Danton, violet de colère, lui reprit le papier, et, le froissant avec mépris : « Les canailles ! Les imbéciles ! Voilà comment ils croient m’empêcher de faire tomber la tête de leur roi ! Eh bien ils viennent de signer son arrêt de mort.
    — Je vous en prie, Claude, calmez-le ! s’écria Antoinette. Il ne veut pas m’entendre.
    — Non, c’est fini. Dire que j’ai eu la faiblesse de m’intéresser à leur roi ! Maintenant j’irai jusqu’au bout.
    — Enfin, dit Claude, cette calomnie ne peut pas t’atteindre si tu te sens irréprochable.
    — Tu en doutes ! Personne dans la confidence ! Mais c’est moi qui l’afficherai, cette lettre. C’est moi qui la lirai à la Convention pour que la France entière sache jusqu’où va l’impudence de ces coquins ! Et ce n’est pas tout : dans le monde de l’émigration, et dans Paris même, on va racontant, je le sais, qu’il existe des reçus signés de moi. Des reçus ! »
    Il eut un ricanement de ses lèvres crevées et répéta : « Des reçus de ma main, c’est un comble ! Voilà les armes que l’on forge pour Brissot et sa bande. Mais la première victime aura été le roi.
    — Georges ! supplia Gabrielle-Antoinette. Tu ne voteras pas sa mort, je t’en prie ! Souviens-toi que tu as été avocat à son conseil. Nous avons dû notre bonheur à cette charge. »
    Il se retourna vers sa femme et aboya : « C’est ma tête alors qui tombera. Sans que cela sauve la sienne. Veux-tu devenir veuve ? »
    Elle éclata en sanglots. Sans lui accorder un regard, il saisit Claude par l’épaule, l’emmena dans son bureau. « Viens ici. Dis-moi où en sont les choses, au Manège. »
    Claude lui résuma ce qui s’était passé, dépeignit en quelques mots l’état des esprits. Derrière son grand bureau à coins de cuivre, Danton écoutait en se frottant les genoux. « C’est bon, dit-il au bout d’un moment, on m’entendra là-bas demain. » Puis se levant : « Il faut que j’aille consoler ma femme. Pauvre Antoinette, j’ai été bien brutal avec elle. Je ne suis pas méchant pourtant, mais tout le monde se ligue pour m’obliger à l’être. »
    On ne le vit cependant point au Manège, le lendemain. Il laissa passer la question de la culpabilité. Le scrutin s’était ouvert à midi. Chaque député devait prononcer son vote à la tribune, l’écrire et le signer. Certains voulurent le motiver. Comme on était 749, moins 8 malades et 20 envoyés en mission non encore rentrés, le défilé, coupé par les explications, dura longtemps. Ensuite il y eut le recensement des votes. Il donna 683 suffrages affirmatifs. A cinq heures moins quelques minutes, le président Vergniaud, vêtu de noir, pâle à la lueur des lustres et des quinquets, agita sa sonnette et, se levant, annonça :
    « Au nom du peuple français, la Convention nationale déclare Louis Capet coupable de conspiration contre la liberté de la nation et d’attentats contre la sûreté générale de l’État. »
    On ne s’était guère passionné. Le résultat de ce premier scrutin n’avait fait aucun doute : même les 38 votes négatifs reconnaissaient la culpabilité, leurs auteurs s’affirmaient seulement incompétents pour juger le roi.
    L’appel nominal recommença aussitôt sur la deuxième question : celle du recours au peuple. C’est là-dessus que les Brissotins et les Rolandistes de la Gironde et tous les sauveteurs de Louis XVI allaient livrer bataille. Toujours pas de Danton. Cette question qui, portant en elle le risque certain de guerre civile, mettait en jeu le destin de la république et de la France, avait infiniment plus d’importance que la question d’un individu, fût-il le roi, estimait Claude. L’angoisse le tenaillait, il ressentait des défaillances physiques. C’est qu’il n’avait rien pris depuis dix heures du matin. Avec les deux Robespierre, Saint-Just et Le Bas, il monta au restaurant des députés, manger rapidement.
    « Enfin, dit Augustin, qu’attend ton ami Danton ? C’est incroyable ! Espère-t-il se soustraire à l’obligation de prendre parti publiquement ? Je t’en préviens, je

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