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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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hommes s’en emparent, l’emportent au grenier public tandis que d’autres, furieux, menacent de détruire la demeure. Pour les calmer, M me  Mallet leur fait distribuer du vin. Sur quoi, ils forcent la cave, en tirent une barrique qu’ils installent dans la rue où la compagnie des grenadiers les disperse enfin. Mais, dans la relevée, tout recommence. Considérablement grossie, la troupe du matin retourne chez Garaud, chez moi, partout injurieuse, menaçante, réclamant encore du vin. On leur en donne. Ce bacchanal a duré jusqu’à la nuit, jusqu’à ce que la garde nationale revenue tout entière au sentiment de la décence ait définitivement réprimé le désordre.
    — Mais Thérèse ! répéta Lise. Que devenait-elle, là-dedans ?
    — Thérèse, rassurée sur mon sort par votre père, mon cher Claude, avait quitté aux premières heures de la nuit, et sous bonne protection, la famille Mathis pour s’en aller loger à l’Hôtel de la Pyramide où nul, certes, ne l’eût cherchée. Bordes la ramena le soir même. De la Pyramide, elle avait vu le tumulte devant chez nous. Loin d’en concevoir de l’effroi, elle était résolue à faire front. C’est elle qui m’a convaincu de m’éloigner afin de laisser se calmer les esprits. Bordes a obtenu pour moi un passeport à la mairie de Saint-Léonard. Tandis que je prenais la route de Paris, cet homme dévoué ramenait Thérèse à Limoges. Elle entend y veiller sur nos affaires. Je lui ai donné un pouvoir pour votre père qui s’occupera de la Monnaie durant mon absence.
    — Bien, dit Claude, qui, d’après les premiers mots, s’attendait à des faits plus graves, vous avez agi sagement en sortant de la ville pour un temps, mais vous auriez pu rester à Brignac, il me semble. Je ne vois pas que dans tout cela votre existence ait jamais été mise en péril. »
    Naurissane secoua sombrement la tête. « Vous n’êtes point sur place, vous ne vous rendez pas compte. Moi, j’ai bien senti que l’on en voulait à ma vie même. Je n’aurais jamais imaginé une chose pareille. On me hait… On me hait », répéta-t-il, d’un air abattu.
    Claude, frappé de ce désarroi, ne répliqua point et Louis reprit : « Si vous voulez bien me garder pour la nuit, demain je chercherai un logement.
    — Assurément non ! se récria Lise. Vous resterez avec nous, surtout dans l’état où vous vous trouvez.
    — Vous êtes ici chez vous, mon frère, dit Claude.
    — Merci. Mille fois merci, mes bons amis. Mais, afin de n’être pas considéré comme émigré, je dois adresser, chaque semaine, à Limoges, un certificat de résidence. Je ne veux pas qu’il porte mention de votre domicile ni de celui d’aucune de mes relations. Aussi logerai-je à l’hôtel. Comme cela, personne ne sera compromis, et l’on ne pourra pas prétendre que j’ai envoyé des attestations de complaisance. »
    Quand ils l’eurent laissé dans sa chambre, Lise et Claude épiloguèrent longuement sur ce singulier drame. Ils n’en revenaient pas de voir Naurissane et sa superbe s’effondrer ainsi tout à coup. N’avait-il donc jamais pris conscience de son attitude, ni pensé qu’elle n’était pas de nature à lui valoir l’amitié des patriotes ? Il n’avait rien d’un naïf, pourtant. Ou alors était-il si naturellement plein de lui-même, qu’il croyait qu’on l’admirerait et le respecterait quoi qu’il fît ? Claude se le rappelait aux États généraux, ensuite à Limoges pendant sa campagne électorale, déterminé, combatif. Non, cet homme atteint de panique ne lui ressemblait pas. Et cependant ! « C’est étrange, dit Claude, plus j’approche les êtres, plus je les connais, plus ils me paraissent en général mystérieux et incompréhensibles. Cela m’effraie un peu, car je me demande si, à mon tour, je n’en arriverai pas à me déconcerter moi-même, un jour ou l’autre.
    — C’est peut-être l’âge qui le change, suggéra Lise.
    — Bah ! il n’est pas vieux. Il a, voyons, cinquante-deux ans, si je compte bien.
    — Cinquante et un. Dix-neuf de plus que Thérèse. Dis-moi, mon cœur, ne trouves-tu pas qu’elle est là-bas dans une position fort risquée ?
    — Ma foi, je ne t’y aurais pas laissée, moi, en pareille circonstance. Je conçois mal, je l’avoue, cette séparation. Oui, sans doute, l’un d’eux devait nécessairement rester sur place pour préserver leurs droits, et il est bien dans le caractère de ta

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