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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vraiment elle m’a traité de Turc à Maure, me lançant à la tête : « Vous devez être content, monsieur, du beau travail de vos pareils ! Voilà le résultat de votre jacobinisme. Réjouissez-vous donc, pour le moment, car je me flatte que du train dont nous allons, votre tour viendra d’avoir affaire vous aussi à vos sans-culottes. Vous avez déchaîné une hydre, elle vous dévorera comme nous, etc. » J’ai patienté, enfin devant cet accueil, j’ai salué en disant : « Madame, je venais vous offrir mes services. Je vois assez qu’ils ne vous agréent point. Veuillez bien me pardonner », et je suis sorti, suivi dans le couloir par Élisabeth qui tâchait d’excuser sa sœur. J’ai dit que je comprenais son état et ne tenais pas rigueur. Cela est vrai : je n’en veux point à M me  Naurissane, mais explique à ton beau-frère que, si je lui suis dévoué, j’aime autant avoir le moins possible de relations avec sa femme. Je ne l’ai pas revue. Elle vient, paraît-il, de regagner son hôtel avec Elisabeth, et m’a fait tenir un pouvoir de Naurissane pour la Monnaie. Assure-le que je m’en occuperai activement. Tout s’y poursuit comme à l’ordinaire. Du reste, la ville est calme. Le procureur de la Commune remplace temporairement le maire. Des grains sont arrivés du Blanc. Comme la récolte s’annonce favorable, nul ne songe plus à les accaparer. N’était la situation financière inquiétante, tout irait assez normalement, ici. Garaud et Mallet, qui s’étaient retirés aux environs, sont revenus sans provoquer le moindre trouble. Je n’oserais néanmoins conseiller à Naurissane de revenir. Sa sûreté ne serait probablement pas en cause, mais on pourrait lui chercher des chicanes, car il a laissé derrière lui des rancunes tenaces…»

IV
    Revenant de visiter son beau-frère, que Lise était en train d’installer rue Saint-André-des-Arcs, non loin des Cordeliers, dans un modeste logement indiqué par Dubon, Claude songeait encore à cette lettre. La dernière phrase rendait plus concevable la fuite de Naurissane. On n’eût pas imaginées si vindicatives les passions provoquées par sa superbe. Il fallait bien en croire pourtant un témoignage raisonnable – et très réservé, car M. Mounier ne disait pas tout. À l’instant, Naurissane s’était confié tout à fait, avouant qu’effectivement, le 24, il avait armé, avec des piques forgées dans ses ateliers mêmes, un groupe de monnayeurs : hommes de confiance. « C’était, disait-il, une précaution légitime contre une attaque de la Monnaie et un pillage parfaitement possibles vu l’état des esprits. L’agitation du peuple excité contre moi fondait les pires craintes, je vous l’assure. Du reste, votre père connaissait fort bien cet armement. S’il a déclaré au District et au Département qu’il n’y avait rien d’anormal dans l’enceinte de la Monnaie, c’est qu’aux yeux de tout témoin honnête la situation justifiait pleinement une pareille mesure. »
    Décidément, pensa Claude, Louis a sans doute raison : je vois les choses de trop loin, il ne s’agit peut-être pas de simples rivalités. Dans ce cas, Thérèse court d’assez gros risques. À quoi il eût pu répondre : Eh bien, tant pis ! Elle les a cherchés. Je ne vais pas m’inquiéter pour une créature qui a fait si longtemps tous ses efforts contre moi.
    En vérité, cette pensée lui vint. Il eut un petit frisson cruel à l’idée que Thérèse pourrait bien payer à la fois son hostilité à la Révolution et son inimitié envers lui. Mais, même au plus fort de leur opposition, il n’avait pas eu de haine pour Thérèse. Parce qu’il la trouvait belle femme, tout simplement. Et puis, s’il lui arrivait du mal, Lise en souffrirait. Il songea, un instant, à demander pour sa belle-sœur la bienveillance de Nicaut. À vrai dire, celui-ci ne lui inspirait plus très grande confiance. Dumas, en quittant le Département pour le Tribunal, avait abandonné le pouvoir, en quelque sorte ; cependant il gardait sa forte influence sur les Jacobins. Qui sait ! à la présidence du tribunal il serait peut-être utile. Je lui écrirai. Après tout, pourquoi ne pas mettre, ou tenter de mettre, Thérèse sous la protection de Guillaume Dulimbert ? le personnage le plus énigmatique mais, sans aucun doute, le plus secrètement puissant à Limoges. Assez puissant pour ne point partager, peut-être, une aversion faite surtout de

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