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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sœur de ne point baisser pavillon. Seulement, je ne sais si Louis se rend compte qu’il doit à sa femme une bonne part de son impopularité. Faute de le tenir, lui, on pourrait la faire payer, elle. Son énergie, son tempérament sont redoutables pour elle-même. En revanche, elle ne gêne personne : on n’ambitionne point sa place. Et puis, on ne les déteste pas tant. Au contraire de ce que s’imagine Louis, il n’a jamais été en péril : il s’agit de rivalité, non de haine. Enfin, on n’irait pas s’en prendre à une femme, qui, du reste, ne manque point de protecteurs : mon père le premier, et le mieux placé aux Jacobins pour la défendre. »
    Claude ne tarda guère à changer d’avis là-dessus, en recevant une lettre de son père. « Tu as dû apprendre ce qui s’est passé ici le 27 et le 28, écrivait M. Mounier. Ton beau-frère Naurissane est à Paris, il vous aura mis au fait de ces événements. J’ai tâché de lui rendre service. Je continuerai dans la mesure du possible, encore que le ménage ne soit guère sympathique. Je ne voudrais pas décrier la sœur de ta femme, mais combien nous nous félicitons, ta mère et moi, que tu aies épousé la cadette, notre charmante petite Lise, et non pas l’aînée. D’abord dans la circonstance même, elle s’est conduite, certains disent comme une gourgandine, moi je dirai comme une écervelée, coquetant aux fenêtres de la maison Mathis avec les godelureaux les plus mal vus des bons citoyens, alors que son mari se trouvait dans une situation à tout le moins sérieuse. M me Naurissane portait-elle la cocarde blanche? On l’assure. Je ne saurais l’affirmer, cependant la chose me paraît des plus possibles. Cette femme est véritablement une aristocrate enragée. Je me demande comment mon vieil ami Dupré a fait pour donner naissance à une telle fille. Et arrogante, avec ça ! Je l’ai approchée deux fois en ces jours; deux fois, ses façons m’ont choqué. Le premier soir, elle n’était pas tant fière. Je suis allé chez Mathis la prévenir du départ de son époux. Le peuple avait fini par évacuer à peu près la place, au soir tombant. J’ai passé par la porte de derrière. Tout était noir dans la demeure, devant laquelle les patriotes avaient un peu crié leur indignation. On n’en menait pas large, apparemment. Après bien des pourparlers avec l’insolent Tabaraud, j’ai été reçu à l’obscur. Seule la lueur du reverbère donnait une vague clarté à travers les fenêtres. Dans le bas, il semblait n’y avoir aucun membre de la famille. Je n’ai entrevu, fort confusément, que des hommes en uniforme et des fusils. Nul ne soufflait mot, pour ne se point laisser connaître, sans doute. En haut il y avait un colloque à voix couverte. Puis une femme : une fille à Mathis, je pense, est venue me prendre par la main en me murmurant de monter. Elle m’a conduit au long de la rampe. Tout cela était à la fois sinistre et ridicule, je trouvais ces gens d’une pusillanimité aussi extravagante que leur précédente impudence. A l’étage, sur le palier complètement sombre, se tenaient plusieurs personnes, je m’en rendis compte en voulant tâter le mur pour me guider, et touchai même un parement d’habit militaire. Il y avait des gardes jusque-là. Enfin, une voix de femme me dit entre haut et bas : « Eh bien, monsieur, qu’avez-vous à me communiquer? » Je délivrai ma commission, assez froidement je l’avoue, car tout cela me déplaisait fort. On me répondit : « C’est bon, monsieur, j’aviserai. » Pas un mot de remerciement. J’aurais été le concierge de la Monnaie, ou encore le principal ennemi de Naurissane, elle ne m’eût point parlé autrement. Néanmoins, ayant su, le lendemain, qu’elle se trouvait à la Pyramide (c’était, dans une certaine mesure, le secret de Polichinelle), j’y suis allé, non pas pour elle-même mais à cause de mon vieux Dupré, de Lise, de Naurissane qui m’a rendu service en me procurant cet emploi à la Caisse des billets de confiance. Thérèse se tenait au troisième étage, dans une chambre, avec sa sœur la ci-devant religieuse, maintenant retirée chez leur père, à Thias. Il était venu avec elle, et, pour l’instant, s’occupait ainsi que le nommé Bordes de préserver l’hôtel Naurissane devant lequel des soûlards faisaient tapage. Évidemment, la circonstance excuse un peu l’emportement d’une femme trahie par ses nerfs, mais

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