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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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jalousies et d’envies mesquines. Le plus déterminé sans-culotte, la plus fieffée arstocrate : le rapport paraissait scabreux. Que risquait-on toutefois à essayer ?
    En agitant ces pensées, Claude se dirigeait vers la rue de la Comédie, pour voir, puisqu’il était dans le quartier, s’il ne trouverait pas Danton ou Desmoulins au café Procope. Depuis quelque temps, Camille devenait rare. Lanciné par le regret du journalisme, il s’occupait avec Fréron de lancer une nouvelle feuille : la Tribune des Patriotes, pour faire suite aux Révolutions de France et de Brabant. Ni Danton ni Desmoulins n’étaient dans la salle au rez-de-chaussée du petit café, où Marat, le teint verdâtre, la peau dartreuse, épluchait dans son coin les gazettes. À l’entresol il y avait Fabre d’Églantine, toujours magnifique, Momoro, Legendre et Brune qui, apercevant Claude au moment où il émergeait de l’escalier, s’écria plaisamment :
    « Tiens ! le citoyen Accusateur est venu rendre visite à sa chère Louisette !
    — Ma Louisette ?
    — Parbleu ! Ne faites pas l’étonné, mon ami. Nous savons tout. L’insigne des Cordeliers, c’est – qui l’ignore ? – un œil grand ouvert. Rien ne lui échappe.
    — Soit, soit, acquiesça Claude en riant, je viens voir ma chère Louisette. Auriez-vous toutefois, frère Brune, la complaisance de me dire qui est cette personne ? »
    Sans doute s’agissait-il de Naurissane, dont Brune, par jeu, mettait le prénom au féminin. Mais Fabre et les autres s’esclaffaient, Legendre en tapant sur la table, tandis que le jeune briviste levait les mains au ciel.
    « Cette personne ! En a-t-il de bonnes, notre Mounier-Dupré ! Allons, puisque je vous déclare que nous savons tout, ne vous donnez donc plus la peine de feindre. Nous n’ignorons pas qu’il vous tarde, à vous et à Rœderer, de faire couper le cou au criminel Pelletier. Je vous parle de l’instrument du D r Louis.
    — Ah bah ! Louisette ! Voilà un bien joli nom pour une bien horrible machine. Mais je ne vous entends toujours point.
    — Comment ça ! Ne sauriez-vous pas que l’ingénieux docteur est en train, avec Sanson, d’expérimenter son coupe-tête cour du Commerce ?
    — Première nouvelle !
    — Alors, allons-y. C’est juste à côté de mon atelier, dans la remise. Ils tranchent la tête à des moutons.
    — Merci bien, je n’en ai nulle envie. Il faudra sans doute que j’assiste au supplice de Pelletier, ce sera plus qu’assez pour mon goût.
    — Ah ! mes amis, s’exclama Legendre avec sa grosse voix, ce n’est pas sur des moutons qu’il faudrait l’essayer, la Louisette, mais bien sur tous ces foutus aristocrates, agioteurs, accapareurs, réfractaires et autres ennemis intérieurs. Moi, je dis comme Robespierre : avant de faire la guerre aux émigrés, aux tyrans, on doit nettoyer d’abord la maison. »
    Le ci-devant boucher se mit à vitupérer les ministres brissotins. Fabre l’interrompit en demandant :
    « À propos des ministres, savez-vous l’histoire de Roland mené à la Cour ? » Et, comme on lui répondait négativement, le poète, beau parleur, se posa pour distiller l’anecdote : « Après la nomination de Roland, Dumouriez le mène aux Tuileries. Vous connaissez la simplicité de notre bonhomme, voire son affectation de négligé. Le voilà qui paraît à la Cour, sans poudre, en chapeau bourgeois, avec des souliers à cordons. On n’avait jamais vu rien de pareil. Dreux-Brézé, atterré, s’approche du premier ministre et, lui montrant du coin de l’œil la chose affreuse : Eh quoi ! monsieur, point de boucles à ses souliers !
    — Ah ! monsieur, tout est perdu ! réplique Dumouriez avec un sérieux à faire éclater de rire.
    — Et de qui tiens-tu l’histoire ? s’enquit Brune.
    — De M me  Roland elle-même.
    — Tu as de mauvaises fréquentations, mon ami, dit Momoro. Un de ces jours, tu vas te mettre à brissoter. Est-ce un ministère que tu cherches, toi aussi, chez les Girondistes ?
    — Pourquoi pas ? N’y serais-je pas aussi bon que Duranthon ou Lacoste ? riposta Fabre, moitié sérieux. Un ministère des gens de lettres.
    — Les patriotes, déclara Brune, ne vont plus chez Coco Roland. Il s’est vendu. Ou plutôt sa femme l’a vendu. Regarde donc un pur, ajouta-t-il en désignant Claude, un citoyen assez vertueux pour refuser d’être ministre d’une monarchie.
    — Bon, répondit Claude,

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