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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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par les rues de nouveau illuminées, Garat ne put s’empêcher d’exprimer son étonnement devant l’attitude si courageuse du ci-devant monarque. « Je l’ai toujours vu plein de courage tranquille, répondit Santerre. C’est malheureux que l’on ait dû en venir là avec cet homme, mais il n’a jamais rien compris. »
    Dans la tourelle meublée d’une table et de deux chaises qui lui servait de cabinet, le roi s’entretenait avec l’abbé Edgeworth. Celui-ci était d’abord tombé aux pieds de son pénitent en se cachant le visage dans les mains. Louis non plus n’avait pu retenir quelques larmes. Relevant son confesseur, il l’avait fait asseoir, et maintenant, assis lui aussi de l’autre côté du petit poêle de faïence, il lisait à haute voix son testament. L’abbé l’ayant assuré que c’était celui d’un parfait chrétien, il le scella, puis dit qu’avant de se livrer aux dévotions il allait retrouver les siens. Il demanda au prêtre de ne pas se montrer. « Je craindrais que votre vue ne fît trop de mal à la Reine. » Il était huit heures. Louis demanda aux municipaux de le mener à sa famille. Ils répondirent que cela ne se pouvait point. Elle allait descendre s’il le désirait.
    « À la bonne heure, dit-il, mais nous pourrons au moins nous voir seuls dans ma chambre ?
    — Non. Nous avons arrêté avec le ministre de la Justice que ce serait dans la salle à manger.
    — Vous avez entendu que le décret de la Convention nous permet de nous entretenir sans témoins.
    — Cela est vrai, aussi serez-vous en particulier. On fermera la porte et personne n’entendra ce que vous avez à vous dire. Comme elle est vitrée, vous demeurerez cependant sous nos yeux.
    — C’est bon. Faites descendre ma famille. »
    Cléry suivit son maître dans la salle, poussant la table pour donner plus d’espace et disposant les chaises. « Il faudrait un peu d’eau et un verre, dit le roi. Apportez de l’eau qui ne soit pas à la glace, car si la Reine avait besoin d’en boire, elle pourrait être incommodée. » Il allait et venait, du cabinet à l’antichambre, contenant mal son impatience et son trouble. L’attente dura près d’une demi-heure. Enfin la porte s’ouvrit. La reine entra, tenant son fils par la main. Venaient ensuite Madame royale, Madame Élisabeth. Tous se précipitèrent dans les bras du roi, et, pendant un instant, devant les commissaires et les guichetiers, tout se confondit en sanglots Marie-Antoinette eut un mouvement pour emmener Louis vers la chambre. « Non, dit-il, passons dans cette salle, je ne puis vous voir que là. » Cléry ferma la porte sur eux. Ils s’assirent, la reine et Madame Élisabeth encadrant le roi, la jeune Madame royale en face, touchant ses genoux, le petit prince debout entre les jambes de son père. Dans l’ombre, derrière le vitrage, Cléry, l’abbé Edgeworth et les municipaux voyaient à la lueur du lustre cet embrassement confus. On parlait, on pleurait.
    À dix heures moins le quart, Louis se leva. Serré entre les siens et au milieu de leurs gémissements, il marcha lentement vers la porte. « Je vous assure, dit-il en l’ouvrant, que je vous verrai demain matin, à huit heures.
    — Vous nous le promettez ?
    — Oui, je vous le promets.
    — Pourquoi pas à sept heures ? se récria Marie-Antoinette.
    — Eh bien, oui, à sept heures. Adieu ! »
    À ce mot, les sanglots redoublèrent. Soudain Madame royale s’affaissa évanouie aux pieds de son père. Cléry s’empressa pour la relever, aider Madame Élisabeth à la soutenir. Le roi, les embrassant tous encore, les poussait peu à peu vers la porte. « Adieu ! Adieu ! » répéta-t-il avec un geste navré. Il se jeta dans sa chambre. Cléry, soutenant toujours la jeune fille, accompagnait les princesses. Au premier guichet les municipaux l’arrêtèrent. Il resta un instant à écouter les gémissements et les pleurs que l’on entendait encore, venant de l’escalier, à travers les deux portes.
    Quand il rentra, son maître était avec l’abbé. « Ah ! monsieur, lui confiait-il, quelle entrevue ! Pourquoi faut-il que j’aime tant, et que je sois si tendrement aimé ! » Après l’avoir méprisé, trompé, Marie-Antoinette était maintenant attachée passionnément à lui. Au bout d’une demi-heure, il quitta son cabinet. Cléry lui servit à souper. Il mangea deux ailes de poulet pané, des légumes, but deux verres de vin avec de

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