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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’espère, un profond silence. Quand la justice a parlé, l’humanité doit avoir son tour. » Il tenait un papier et sa main tremblait un peu, mais sa voix était forte quand il poursuivit : « La majorité absolue est de 361 voix, en raison des députés absents ou qui se sont récusés. 366 ont voté pour la mort. Je déclare donc, au nom de la Convention nationale, que la peine prononcée contre Louis Capet est la mort. »
    Lorsque Claude s’en alla, escorté cette fois par des hommes de Maillard, il était près de minuit et la ville brillait d’une illumination froide, étrange comme la scintillation d’un univers déshabité. Par mesure de police, des lampions brûlaient à toutes les fenêtres, et les rues, passé les abords immédiats du Manège, étaient désertes, balayées sans cesse par des patrouilles. Les premiers crieurs de journaux lançaient aux fenêtres closes, aux portes d’où parfois une main se tendait pour acheter la feuille, l’annonce lugubre : « La mort ! La mort ! »
    Cette mélopée dura toute la nuit. De bonne heure, les débats reprirent à la Convention. Après le prononcé du jugement, les défenseurs avaient été entendus. Tout en leur accordant les honneurs de la séance, on avait repoussé l’appel que, par leur voix, Louis prétendait interjeter devant la nation. Il ne restait donc qu’à délibérer sur la question du sursis. Toutefois, des réclamations s’étant élevées sur le recensement de la veille, dont de nombreux députés contestaient les résultats, il fallut procéder à un contre-appel. La journée y passa presque entière, sans modifier sensiblement le scrutin : il donna 387 suffrages pour la peine capitale, contre 334. Le lendemain 19, la discussion du sursis fut passionnée, incohérente, furieuse, jusqu’au moment où Thomas Payne fit lire la traduction d’une note dans laquelle il déclarait que la condamnation ne répondait pas au vœu réel des Français. Pour leur immense majorité, ce vœu était la réclusion et le bannissement à la paix. « Par votre sentence inhumaine, ajoutait-il, vous allez perdre votre seul allié : les États-Unis, attachés à Louis XVI par la reconnaissance. Vous allez donner au roi d’Angleterre la plus douce satisfaction qu’il pouvait désirer, en le vengeant du libérateur de l’Amérique. Vous allez vous aliéner l’opinion des peuples, au lieu de les tourner contre les rois. »
    Cet avis d’un philosophe qui connaissait bien, par expérience, l’Europe et le Nouveau-Monde, ébranla, un instant, en Claude sa certitude. Mais Barère, reprenant tous les arguments contre le sursis, comme il avait résumé tous les arguments contre l’appel au peuple, montra que repousser l’exécution du ci-devant roi, c’était la remettre aux chances de la guerre, qu’il formait le seul obstacle aux immenses réformes pour lesquelles on luttait depuis si longtemps et toutes prêtes à s’accomplir dès que cet éternel ferment de discordes aurait disparu. Une fois de plus, avec sa souplesse, Barère entraîna la Plaine. L’appel nominal sur cette ultime question réunit à peine trois cents voix pour le sursis, et près de quatre cents contre. Il était trois heures, dans la nuit du samedi au dimanche, quand ce résultat fut proclamé. Dès lors le sort de Louis XVI était fixé irrémédiablement.

X
    Couché encore une fois au petit matin, Claude, ce dimanche, se leva tard. La relevée s’avançait lorsque Lise et lui se mirent à table. Comme ils allaient la quitter, la sonnette résonna. Desmoulins apparut, blême, les yeux troublés. Il se laissa tomber dans un fauteuil, bégayant : « Saint… Saint-Fargeau vient d’être… d’être assassiné ! » Le pauvre Camille semblait sur le point de défaillir. Saint-Fargeau, qu’il avait quitté à quatre heures du matin après avoir raccompagné avec lui Robespierre chez Duplay, il venait à l’instant de le revoir au coin de la rue, tout sanglant, porté sur un brancard.
    « Mais comment ? » demanda Claude en se ressaisissant. Il prit dans le placard une bouteille, remplit un verre et le tendit à Desmoulins. « Tiens, bois. Tu te sentiras mieux. » C’était de l’eau-de-vie de prunes, faite à Thias. Camille frissonna sous l’effet de ce puissant alcool. Il se mit à raconter le peu qu’il avait appris. Saint-Fargeau, sans doute pour recueillir les bruits, savoir ce que l’on disait de la condamnation et en instruire le club,

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