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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Capet pour le dévêtir sur l’échafaud. Après quoi le second vint lui déclarer rudement qu’il ne sortirait pas et ajouta : « Le bourreau est bien assez bon pour lui. »
    Le temps stagnait et fuyait à la fois, irréel. Le jour d’hiver était clair maintenant, bien qu’il entrât peu par les fenêtres masquées de leurs auvents. Les bruits des troupes croissaient, on entendait du remue-ménage au pied de la tour. À neuf heures, l’escalier s’emplit d’un retentissement d’armes et de pas sur les vieilles marches. Les portes s’ouvrirent toutes grandes. Un groupe de membres du Conseil général de la Commune, la poitrine barrée par l’écharpe à glands d’or, entra, avec Santerre et dix gendarmes qui se répartirent en deux files, encadrant le passage. Louis sortit de son cabinet. « Vous venez me chercher ?
    — Oui, dit laconiquement Santerre.
    — Je vous demande une minute. » Il rentra, s’agenouilla devant le prêtre. « Tout est consommé, mon père. Donnez-moi la dernière bénédiction, priez Dieu qu’il me soutienne jusqu’à la fin. » Il reparut, suivi de son confesseur et tenant à la main son testament qu’il tendit au municipal le plus proche, Jacques Roux, en lui disant : « Je vous prie de remettre ce papier à la Reine. » Il se corrigea : « À ma femme.
    — Cela ne me regarde point », répliqua le ci-devant prédicateur des sans-culottes. Je ne suis pas ici pour faire vos commissions mais pour vous conduire à l’échafaud. » Un membre du Conseil général se chargea du papier. Cléry présenta au roi sa redingote noisette. « Je n’en ai pas besoin », dit-il. Il portait sous son habit brun une chaude veste de molleton blanc, avec une culotte grise, des bas de soie blanche. Il demanda seulement son chapeau. Comme il étendait la main pour le prendre, il rencontra celle de Cléry et la serra pour la dernière fois. « Messieurs, déclara-t-il aux municipaux, je désirerais que Cléry restât près de mon fils, qui est accoutumé à ses soins. J’espère que la Commune accueillera cette demande. » Puis, regardant Santerre : « Partons ».
    Dehors, il se retourna, regardant les fenêtres aveugles derrière lesquelles il devinait les siens en pleurs. Au milieu des gendarmes, il s’enfonça sous les branches noires de cette allée de marronniers où il faisait ses promenades entre sa sœur et sa femme et regardait jouer ses enfants. Dans la cour du Prieuré, attendait un coupé vert bronze : la couleur de la berline de Varennes. Un officier de gendarmerie monta le premier, s’assit sur le devant. Louis prit place au fond, son confesseur à sa gauche. Le second gendarme se mit alors en face et ferma la portière. Les glaces étaient levées. La voiture roula, franchit le porche, noyée aussitôt dans la masse des troupes, tandis que tambours et trompettes annonçaient le départ du Temple et couvraient quelques faibles cris de grâce.
    Les rues étaient garnies exclusivement d’hommes en armes, les fenêtres fermées par ordre de police. Les corps constitués, le Conseil exécutif, la Convention, les clubs, les bureaux de section siégeaient en permanence. Sous l’impulsion partie des Jacobins où l’on avait passé la nuit, tous les sectionnaires de Paris se trouvaient sur pied. On comptait dans la ville plus de trois cents canons : non seulement les batteries roulant avec l’escorte, mais les pièces réparties de place en place le long du trajet, et des réserves aux points stratégiques. Pourtant l’espoir de délivrer Louis XVI ne désertait pas tous les cœurs. Une révolte, dont ne témoignait point seul l’assassinat de Saint-Fargeau, couvait : des arbres de la liberté avaient été abattus pendant la nuit des placards apposés, qui invitaient le peuple au soulèvement contre la sanglante tyrannie de la Convention, de la Commune et des Jacobins. Tout le dimanche, on avait entendu des orgues de Barbarie et des chanteurs ambulants moudre une sanglotante complainte : « Ah ! plaignons le pauvre Louis ! Il n’eut favori ni maîtresse. » Concurremment avec les crieurs publics annonçant le lieu et l’heure de son exécution, d’autres colportaient le Procès de Charles I er . Des téméraires risquaient leur vie à vendre des cocardes truquées dont le bleu et le rouge pouvaient à volonté disparaître et reparaître pour découvrir ou recouvrir une cocarde blanche. Une effervescence sourde agitait la garde nationale.

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