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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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les vingt-quatre heures.
    Le condamné n’avait manifesté ses sentiments que par une espèce de sourire sarcastique, en s’entendant déclarer coupable de conspiration. Pour son sort, il le connaissait : Malesherbes, son dernier visiteur, le lui avait révélé, le 17, tout en lui laissant espérer le sursis, mais, depuis la nuit dernière, il pouvait entendre les crieurs de journaux dans toutes les rues voisines. Il s’avança vers Grouvelle, prit le texte des décrets, le plia pour le mettre dans son portefeuille dont il sortit un papier. Il le tendit à Garat en disant : « Monsieur le ministre de la Justice, je vous prie de communiquer sur-le-champ cette lettre à la Convention nationale. » Le garde des sceaux semblant hésiter, Louis ajouta : « Je vais vous en faire lecture. » Il y demandait un délai de trois jours pour se préparer à paraître devant Dieu, et pour cela « de pouvoir voir librement la personne que j’indiquerai aux commissaires de la Commune, et que cette personne soit à l’abri de toute crainte et de toute inquiétude pour cet acte de charité qu’elle remplira auprès de moi ». Il réclamait également la faculté de voir sa famille sans témoins, et la permission pour elle de sortir de France. Enfin, il recommandait à la bienfaisance de la nation les anciens fonctionnaires et pensionnaires de la Cour, parmi lesquels « il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d’enfants, qui n’avaient que cela pour vivre. »
    Garat prit la lettre. Louis ajouta, en tirant un autre papier de son portefeuille : « Monsieur, si la Convention accorde ma demande pour la personne que je désire, voici son adresse. » Elle était de la main de Madame Élisabeth et indiquait : M. Edgeworth de Firmont, N o  483, rue du Bac. Le ci-devant roi fit alors quelques pas en arrière. Tandis que tout le monde se retirait, il rentra dans sa chambre où, s’étant promené de long en large un moment, il pria Cléry de demander le dîner. Cléry était non seulement atterré mais en outre inquiet. Après que Malesherbes lui avait annoncé sa condamnation, le nez et les oreilles de Sa Majesté étaient soudain devenus tout blancs. Le fidèle valet craignait que cela ne recommençât et que son maître ne tombât en faiblesse. Pas du tout, il mangea de bon appétit.
    À la nuit tombée, Garat revint. La pendule sur la cheminée sonnait six heures. Santerre, devançant le garde des sceaux, entra derrière Cléry qui l’annonçait et, s’approchant du roi, lui dit à demi-voix d’un air aimable : « Voilà le Conseil exécutif. » En fait de Conseil, il y avait juste le ministre. Il apportait les réponses de la Convention. Elle refusait le délai de trois jours, mais laissait le condamné libre d’appeler tel ministre du culte qu’il jugeait à propos et de voir les siens en privé. La nation, « aussi grande dans sa bienfaisance que rigoureuse dans sa justice », prendrait soin de sa famille ; elle lui ferait « un sort convenable ». De justes indemnités seraient accordées aux créanciers de sa maison.
    Louis XVI rentra dans sa chambre après avoir enregistré cette lecture d’un signe de la tête. Il dit à Cléry : « D’après l’air de Santerre, je croyais qu’il allait m’annoncer le sursis. » Garat et les commissaires discutaient ferme. La Commune enjoignait expressément de ne perdre, ni de jour ni de nuit et sous aucun prétexte, contact avec le prisonnier. Il ne pouvait donc s’enfermer pour voir sa famille sans témoins. Toulan et Lepitre, désespérés de leur impuissance à sauver le roi, eussent tout accordé. Seulement leurs deux voix ne comptaient pas : ce n’était plus quatre municipaux mais douze que la Commune maintenait en permanence au Temple. Un biais fut enfin découvert au moment où Louis rappelait le ministre pour lui demander s’il avait fait prévenir M. de Firmont. C’était, jusqu’au 10 août, le directeur de Madame Élisabeth, un prêtre d’origine irlandaise, insermenté mais non pas réfractaire, car non soumis à l’obligation du serment. Garat l’avait pris lui-même à l’adresse indiquée, tel qu’il se trouvait, en habit laïque, et amené dans sa voiture avec Santerre. On le fouillait, en bas, dans la salle des municipaux. Il allait monter. Le roi remercia Garat de ses bons offices. Laissant le condamné à la garde des commissaires, le ministre s’en alla en compagnie du commandant-général. Comme ils roulaient

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