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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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à grands cris sa mère. M me  Charpentier l’avait emmené. Le lendemain, M. Charpentier était revenu avec le juge de paix et son greffier pour mettre partout des scellés dont elle, Marie, son frère Jacques et la cuisinière, Catherine, avaient reçu la garde. Le curé et les prêtres de Saint-André-des-Arcs avaient fait l’enterrement.
    Tandis que Danton restait prostré dans un fauteuil du salon aux volets clos, ses beaux-parents survinrent. Alors, en les écoutant, il sortit de cette inertie qui l’avait d’abord terrassé. Il se mit à gémir, à crier, interrogeant âprement M. et M me  Charpentier, se déchirant à entendre, à exiger tous les détails de l’agonie. À son tour, étouffé de sanglots, il rugissait et marchait comme une bête qui se heurte aux barreaux. Tout d’un coup, un désir fou le prit. La revoir, l’embrasser une dernière fois. Elle était là, tout près. Il courut au cimetière. Fermé. Il se le fit ouvrir par des commissaires de la section, effraya le fossoyeur, le contraignit à creuser la terre, dégager le cercueil, exigea des aides pour le remonter. Personne n’osait résister, Danton, avec son masque bouffi, violacé, avait un air effrayant. Il arracha lui-même le couvercle, écarta le linceul. Le visage de Gabrielle-Antoinette apparut, presque intact encore, mais l’affaissement des chairs, une lividité verdâtre, la défiguraient, disant l’inutilité de cette farouche poursuite. Là devant, les rugissements de Danton s’éteignirent. Il se tut et pleura.
    La nouvelle de son retour s’étant répandue le lendemain, Claude et Lise vinrent aussitôt le visiter. Enfermé chez lui, il ne voulait voir personne, pas même ses intimes. Il ne souffrait que la compagnie de ses beaux-parents. Claude lui écrivit, Robespierre également. Ce fut cette lettre qui le toucha le plus.
    « Si, lui disait Maximilien, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme telle que la tienne, la certitude d’avoir un ami tendre et dévoué peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort. Dès ce moment je suis toi-même. Ne ferme pas ton cœur aux accents de l’amitié qui ressent toute ta peine. Pleurons ensemble et faisons bien ressentir les effets de notre douleur profonde aux tyrans qui sont les auteurs de nos malheurs publics et de nos malheurs privés. J’aurais été te voir si je n’avais respecté les premiers moments de ta juste affliction. Embrasse ton ami,
    « R OBESPIERRE . »
    Danton l’envoya chercher par M. Charpentier. Maximilien passa, cour du Commerce, une heure bienfaisante. Il sut, avec beaucoup de tact et de sentiment, évoquer le souvenir de la jeune femme, trouver des mots consolateurs. Il avait remis à M me  Charpentier des fleurs pour les disposer sous le portrait de Gabrielle. Touché par tant de délicatesses, Danton regrettait d’avoir méconnu le cœur de Maximilien.
    En repartant, celui-ci prit son chemin par le Carrousel et monta chez Claude. C’était presque l’heure du souper. Lise invita leur visiteur, à la fortune du pot. On parla, bien entendu, de Danton, de sa douleur. « Il attend sa mère, cette présence l’adoucira », dit Robespierre. Selon lui, les « intrigants » avaient tué la malheureuse avec les calomnies qu’ils déversaient sur son époux. « S’il est resté trop longtemps loin d’elle, c’est que sa tâche gigantesque le retenait.
    — Sa tâche ! s’exclama Claude. Dis plutôt sa folie. Ah ! quelle erreur il a commise en faisant voter la réunion de la Belgique et en aiguillant Dumouriez sur la Hollande. L’idée d’agrandir le territoire vient de Brissot, elle est folle. » En demandant ce vote, Danton avait déclaré à la Convention : C’est en vain que l’on veut craindre de donner trop d’étendue à la République. Ses limites sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes, des quatre côtés de l’horizon ; du côté du Rhin, du côté de l’Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République, et nulle puissance ne pourra nous empêcher de les atteindre. « C’est renier le principe même de la Révolution, notre propre parole, car nous avons proclamé que la France ne nourrissait aucune intention de conquête. Je ne comprends plus Danton. Nous allons à une nouvelle guerre de Trente Ans. »
    Robespierre, s’adressant à Bernard, lui demanda s’il accepterait d’être

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