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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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la libre circulation des grains et à exciter des troubles dans la république, que je m’étonne qu’elles soient sorties de la bouche d’hommes qui se prétendent des êtres raisonnables et des citoyens libres, amis de la justice et de la paix… Ne vous y trompez pas, citoyens, c’est ici une basse intrigue. » Appuyé par Barère, il demanda l’arrestation des pétitionnaires. On se contenta d’envoyer leur orateur au Comité de Sûreté générale.
    L’énergie menaçante de Marat n’impressionna nullement les Enragés. Ils envoyèrent des délégations de femmes : des blanchisseuses, des citoyennes de la Société fraternelle des leux sexes. Celles-ci déclarèrent que si l’on ne votait pas la taxation elles empêcheraient leurs hommes de partir aux armées. Hébert, dans son Père Duchesne, poussait à l’émeute. Pour faire échec à Jacques Roux, l’Ami du peuple proposa un remède beaucoup plus efficace selon lui que la taxation : un moyen simple et radical pour en finir avec les monopoleurs, les marchands de luxe, les suppôts de la chicane, les ex-nobles, que les infidèles mandataires de la nation encourageaient au crime par l’impunité. « Dans tout pays où les droits du peuple ne seraient pas de vains titres consignés fastueusement dans une simple déclaration, le pillage de quelques magasins, à la porte desquels on pendrait les accapareurs, mettrait bientôt fin à ces malversations qui réduisent cinq millions d’hommes au désespoir, et qui en font périr des milliers de misère. Les députés du peuple ne sauront-ils donc jamais que bavarder sur ses maux sans en proposer le remède ? » Il demandait la création d’un tribunal contre les accapareurs.
    Le Publiciste contenant cet article parut le 25 février à huit heures du matin. À dix, on pillait les épiceries, du côté de Saint-Jacques : dans les rues de la Vieille-Monnaie, des Cinq-Diamants, des Lombards. D’abord, on avait forcé les marchands à réduire leurs prix de moitié. On leur payait le sucre vingt-cinq sous la livre, la cassonade quinze, le savon seize, la chandelle treize. Plusieurs boutiques furent vidées, à ces tarifs, par des gens irrités mais honnêtes. Puis d’autres s’étaient mis à faire main basse sur les marchandises sans plus payer du tout. De faibles effectifs de la garde nationale, placés pour surveiller les queues, furent chassés au cri de « À bas les baïonnettes ! ». Santerre était à Versailles où il formait un corps de cavalerie. Sans ordres, les commandants des sections n’osaient agir contre le peuple. La Convention, recourant à l’empirisme que Claude encore connaissait trop, alloua des fonds à la Commune pour faire délivrer les marchandises au plus bas prix en remboursant aux vendeurs la différence, car, sauf le pain, les denrées ne manquaient nullement, tout le mal venait de la disproportion entre leur valeur et celle des assignats. À l’Hôtel de ville, où Pache avait succédé à Chambon démissionnaire, la municipalité se tenait au courant du désordre et délibérait sur les mesures à prendre pour le réprimer. Pendant ce temps, il gagnait d’autres sections où non plus seulement les épiceries mais tous les magasins étaient menacés. À chaque nouvelle de ce genre dont on venait informer le Conseil, les tribunes applaudissaient en criant : « Tant mieux ! » À chaque mesure proposée pour rétablir l’ordre, elles criaient : « À bas ! » Elles conspuaient le procureur-syndic Chaumette, et avec lui Hébert qui, après avoir excité ses lecteurs, voulait à présent battre la générale et requérir la force armée. « Ce n’est pas nécessaire, répondit Dubon, peu soucieux des clameurs. Deux fortes patrouilles accompagnées de commissaires résolus suffiront. Je m’offre à en être. Que d’autres collègues aillent dans les sections proclamer les mesures prises par l’Assemblée nationale. » Cette fermeté, l’intervention d’un bataillon de fédérés de Brest, enfin le retour de Santerre mirent un terme aux débordements.
    Le soir, les Jacobins les blâmèrent avec énergie et en accusèrent les agents de l’étranger, les séides de Brissot, de Roland, les monarchistes qui voulaient déconsidérer la Convention, donner à regretter le roi. On assurait avoir vu, parmi les perturbateurs, des domestiques de ci-devant distribuant des assignats aux gens du peuple pour les entraîner dans les boutiques. On jugea prudent de

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