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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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ne point nommer les Enragés, bien que Jacques Roux, à la Commune, se fût glorifié de sa participation au mouvement. « Les épiciers, avait-il dit, n’ont fait que restituer au peuple ce qu’ils lui faisaient payer beaucoup trop cher depuis longtemps. » Robespierre, en un long discours, démontra que le peuple était « impeccable ». Si on ne l’égarait pas, il ne commettait jamais aucune faute. Marat vint prêcher l’ordre, condamner les pillages. Lui aussi il les imputa aux royalistes et aux Girondins.
    Le lendemain ce fut à lui que toute l’Assemblée, à l’exception de la Montagne, en fit porter furieusement la responsabilité. L’évidence, en effet, semblait aveuglante : il parlait de piller, deux heures plus tard la populace pillait. On ne songeait pas – on ne voulait pas songer, disait Claude à Bernard – que le Publiciste et le Journal de la République comptaient fort peu de lecteurs et, au contraire du Père Duchesne, pas du tout de lecteurs populaires. Le petit peuple faisait confiance à Marat sur sa réputation, mais il eût été bien incapable de suivre ses raisonnements. Et puis, en deux heures, l’article n’aurait pas eu le temps de produire tant d’effet. En revanche, il avait pu fournir à des provocateurs une excellente occasion de déclencher une effervescence dont Marat serait tout naturellement rendu responsable. Ce à quoi ne manqua point Salle. Comme Barère, parlant pour la Plaine, demandait que le maire et le commandant-général fussent mandés pour répondre du retard apporté à la répression des pillages, Salle se leva. « Et moi, je demande un acte d’accusation contre l’instigateur de ces pillages, contre Marat. » Il lut l’article. Ironique, Marat écoutait.
    « Quand les lois sont insuffisantes, répondit-il, ne semble-t-il pas naturel que le peuple se fasse justice lui-même ? Mon écrit n’y est pour rien. Comment aurait-il pu agir dans un si bref espace de temps ? Il faut avoir l’esprit faible pour croire une chose pareille. Je propose d’envoyer aux Petites-Maisons ceux qui veulent m’accuser là-dessus. »
    La Montagne applaudit, les tribunes huèrent Salle. Mais Buzot :
    « Je réclame l’ordre du jour sur la motion d’accuser monsieur Marat. La loi est précise, cependant monsieur Marat ne manquera point d’incidenter, le jury sera embarrassé, et il ne faut pas préparer un triomphe à monsieur Marat en présence de la justice elle-même. Qu’il soit sans débats renvoyé devant elle.
    — Dans ce cas, décrétez-moi, et que la Convention montre qu’elle a perdu toute pudeur ! »
    Ce furent le tumulte, les injures, les menaces habituels, au milieu du vacarme des galeries. Bernard, installé dans une loge touchant la banquette de Claude, des deux Robespierre, de Le Bas et de Saint-Just, était outré. Il se souvenait d’avoir vu ici la majestueuse Constituante. Et maintenant, ces galopins de girondistes !…
    Avec la Plaine, ils emportèrent le morceau, cette fois. Marat serait déféré aux tribunaux ainsi que tous les auteurs des délits commis dans la journée du 25. Sitôt après, l’unanimité se fit pour renouveler l’obligation des passeports, enjoindre aux aubergistes ou logeurs de déclarer exactement les étrangers résidant chez eux, enfin décréter un nouveau recensement de la population. La veille, on avait ordonné des visites domiciliaires dans toute l’étendue de la république, afin de saisir les émigrés et tout voyageur suspect. La Montagne, la Gironde et la Plaine s’accordaient à combattre les agitations clandestines des étrangers, des royalistes, des prêtres réfractaires, dont maint indice trahissait les agissements.
    « C’est étrange, remarqua Bernard, que devant la nécessité de prendre une décision vraiment nationale vous tombiez tous d’accord, et que vous ne puissiez le demeurer plus d’une heure. Si les girondistes votent comme vous contre les ennemis intérieurs de la nation, ils ne sont donc pas ses ennemis.
    — Ils le sont à leur façon, qui consiste à nous discréditer et persécuter, nous, ses vrais défenseurs, afin d’imposer leur dictature », répondit Augustin Robespierre.
    Marat, n’ayant pu riposter à la tribune, dénonçait, le lendemain, dans sa feuille le complot de la faction : « Parce que j’ai observé que le pillage de quelques magasins à la porte desquels on pendrait les accapareurs mettrait bientôt fin à leurs malversations, que font

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