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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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esprits du canton. »
    « Cassez à l’instant la municipalité du Dorat, répondit Claude. Destituez sans délai tous les administrateurs modérantistes, remplacez-les par les patriotes que vous désigneront les comités locaux. Publiez que toute forme d’entrave au recrutement sera punie par le tribunal criminel. Il faut que, sous dix jours, le département fasse partir pour la Vendée mille cinq cents hommes de cavalerie et d’infanterie. Le Comité compte sur vous, citoyens, pour que cela soit exécuté expressément. Créez à Limoges un comité local de salut public. Il veillera au recrutement, aux subsistances, surveillera les administrations, combattra l’esprit modérantiste. »
    Bordas et Borie obtempérèrent « sans délai ». Ils réunirent le Département, le District, la municipalité, et les convainquirent d’instituer « sur-le-champ » un Comité extraordinaire de salut public, qu’ils investirent des pouvoirs les plus étendus. Et, « à l’instant », ledit comité arrêta Louis Naurissane, Pétiniaud-Beaupeyrat, Mailhard, etc., au total dix-neuf ci-devant notables, inscrits sur la liste des suspects. Avant d’en recevoir le rapport, Claude sut la chose par une missive de l’homme aux lunettes. D’une plume que l’on aurait pu croire un tantinet ironique, Guillaume Dulimbert mandait tout ensemble l’arrestation et l’évasion, le soir même, « de Naurissane et treize autres suspects, par un hasard malencontreux mais dont la République ne subira nul préjudice. Seules, certaines rancunes particulières en seront affligées. J’ajouterai que de grandes recherches n’ont pas été entreprises pour ressaisir les évadés. Cela ne serait guère difficile, à l’endroit de Naurissane du moins, car il n’a pu manquer de se diriger vers Bordeaux où il avait déjà trouvé une bonne retraite, l’an dernier, chez certains amis bien connus de sa famille. À vrai dire, je ne serais pas surpris que lui et les autres aient eu des intelligences au sein du comité extraordinaire, comme me le disait ton père lui-même, frère et ami. Je pense que les excellents représentants Borie et Bordas songeront, avant de quitter Limoges, à dissoudre ce comité. Celui de surveillance suffit aux besoins ordinaires. »
    « Si je lis bien, dit Lise en rendant à Claude cette lettre, ton père et le bon Guillaume ont fait sauver Louis.
    — Eux et d’autres membres du comité, me semble-t-il comprendre. Ils ont sinon fait sauver Louis, du moins, j’imagine, rendu possible sa fuite et celle de ses treize compagnons qu’ils n’estiment pas, non plus, dangereux pour la République. Voilà ce que j’entends, et aussi que Thérèse sait où il est. »
    L’ancien maire, Pétiniaud-Beaupeyrat, avait refusé de s’enfuir. Déféré au jury d’accusation, il fut acquitté. On l’accusait de correspondre avec des émigrés, mais les lettres produites pour preuves étaient antérieures au décret interdisant les correspondances de ce genre. Claude, se conformant au conseil déguisé de l’homme aux lunettes, ordonna la dissolution du comité extraordinaire. Il avait rempli son rôle : Bordas et Borie signalaient que le Département venait de diriger sur Niort six cents fantassins et huit cents cavaliers. En réclamant quinze cents hommes, Claude comptait sur mille. Quatorze cents, cela représentait un grand effort. Le mouvement de faiblesse et d’humeur se trouvait amplement racheté. Le 9 mai, à la demande du Comité de Salut public, la Convention décréta que la Haute-Vienne avait bien mérité de la patrie.
    Après quoi, au moment de lever la séance, le président annonça officiellement, car on le savait déjà, que désormais et dès demain, l’Assemblée siégerait au Palais national.

XV
    Cette nuit du 9 au 10 mai 93 vit un des plus extraordinaires spectacles de la Révolution : un spectacle aussi rare dans son genre que celui de la transformation du Champ de Mars pour la Fédération, et non moins frappant que le 20 juin ou le 10 août, mais d’une tout autre manière. Ce fut le déménagement, en douze heures, de tous les services de la Convention, de tous les bureaux et des vingt comités qui occupaient encore les baraquements du Manège, les Feuillants, les Capucins.
    Du moment où la Convention leva sa séance au moment où elle la reprit, les deux énormes couvents, leurs cloîtres, leurs églises et tous les bâtiments de planches multipliés dans les cours, se

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