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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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République. Malgré sa sympathie pour la personne de Vergniaud, Claude ne s’associa pas aux applaudissements par lesquels les deux tiers de l’Assemblée saluèrent l’orateur de la Gironde. Approuver Vergniaud, c’eût été à présent se déclarer ennemi du peuple. Le salut public exigeait la proscription des Brissotins.
    « Oui, dit Danton en se rendant après la séance, avec Claude et Delacroix, au Comité. Oui, qu’ils s’en aillent ! »
    Ils n’y éprouvaient pas le moindre penchant. Le lendemain, la Convention, à la demande, fortement motivée, de Cambon, vota, contre l’avis de Marat et des Robespierristes, un décret interdisant la vente du numéraire – le louis d’or de 24 livres se payait 4o livres-papier, – et donnant cours forcé aux assignats. Sitôt après on vit le blond et gras Pétion, répliquant aux accusations de la veille, perdre soudain son flegme fameux, se répandre en crieries et clabaudements de vieille femme : « Il est impossible de tolérer plus longtemps toutes ces infamies ! Il faudra que Robespierre soit enfin marqué comme autrefois les calomniateurs. » Et, dans un vrai délire, désignant du doigt la Montagne : « Oui, les voilà, les plus cruels ennemis de la République ! Infâmes que vous êtes !… Je ne serai content que lorsque j’aurai vu ces hommes laisser leur tête à l’échafaud. » Comme Robespierre voulait répondre, Pétion lui cria : « Tais-toi, dictateur du 10 août ! » Malgré le dramatique de la situation, Claude eut un fugitif sourire. Il était loin, le cher compagnon de lutte !
    Beaucoup plus habile, Guadet retourna contre la Montagne les allégations de Robespierre. « Personne, selon moi, n’a conspiré, assura-t-il sagement, mais les apparences, s’il y en avait, seraient bien plutôt contre les Montagnards. Qui a fait élire Égalité, qui l’a reçu jacobin ? Vous. Qui était avec Dumouriez aux spectacles, qui le couvrait de caresses, qui dînait tous les jours avec lui ? Votre Danton.
    — Ah ! tu m’accuses ! s’écria celui-ci. Tu ne connais pas ma force.
    — Je ne t’accuse pas. Je dis qu’il est ridicule et lamentable de nous entr’accuser d’une conspiration imaginaire : une chimère forgée par certains pour servir à un complot, bien véritable celui-là, contre cette partie de la Convention. » Et il lut une adresse aux sections, signée par Marat comme président des Jacobins : Citoyens, armons-nous ! La contre-révolution est dans le gouvernement, elle est dans le sein de la Convention. Citoyens, marchons-y, marchons ! « Oui, s’écria, de son banc, l’Ami du peuple, marchons. » Un tollé s’éleva de la salle. Guadet demandant que le décret, suspendu sur Marat, fût poursuivi, l’Assemblée, malgré les clameurs des tribunes et malgré un appel pathétique de Danton : « N’entamez pas la Convention ! » décida de poursuivre. Le lendemain matin, l’acte d’accusation était rédigé, approuvé. Marat, qui se cachait de nouveau dans la cave des Cordeliers, déféré au Tribunal révolutionnaire.
    « Eh bien, dit à Claude son compatriote, et autrefois ami, Gorsas triomphant dans les couloirs, pour le coup nous le tenons, votre Marat.
    — Mon pauvre Gorsas ! L’une des dernières sottises que vous pouviez commettre, vous venez de l’accomplir. Cela fend le cœur, de voir des hommes comme vous, avec tant de talents, de ressources, être si aveugles. »
    Robespierre, dans son frac olive, traversait vivement la rue Saint-Honoré, pour avertir les Jacobins, en séance à cette heure. Il leur recommanda le calme, afin qu’on ne pût les accuser de soulever Paris pour défendre un des leurs. « Mais, ajouta-t-il, je demande que tous les membres de la Société, que tous les citoyens et les citoyennes des tribunes, se répandent dans les sections pour éclairer le peuple sur les manœuvres des traîtres. »
    La réponse des sections, Claude l’apprit deux jours plus tard, de la bouche de son beau-frère Dubon. Une adresse, aux termes de laquelle adhéraient trente-cinq d’entre elles, venait d’être soumise au Conseil général de la Commune, et approuvée par lui. Il avait chargé Pache de la présenter à la barre de la Convention. Le maire s’y rendit, en effet, le 15 avril, accompagné par les commissaires des trente-cinq sections, et l’un d’eux : le très jeune Rousselin, ci-devant comte de Corbeau de Saint-Albin, lut la pétition. Dépeignant la

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