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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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forme de portiques terminés par les fenêtres, se trouvaient deux rangs de tribunes pour le public, et des loges pour les journalistes. La même disposition se répétait en face, dans cinq autres portiques, du côté Carrousel. Ce mur-là n’avait pas de fenêtres. À chaque extrémité de la salle s’ouvraient deux arcades dans lesquelles s’étageaient de nombreux gradins destinés également au public. En somme, c’était lui surtout qui bénéficiait du changement, car ici, dans les tribunes et les quatre arcades des extrémités, pouvaient tenir près de quinze cents spectateurs, alors que la moitié ne fût pas entrée au Manège.
    La barre occupait le milieu du long amphithéâtre où les députés commençaient de prendre place. En face d’elle s’élevait contre la paroi opposée toute une construction réunissant la tribune, le bureau présidentiel, ceux des secrétaires et des commis. De sa table que supportaient deux chimères, et de son magnifique fauteuil – dessiné par David –, recouvert d’une soie drapée à l’antique, le président dominait la tribune et, à droite et à gauche, les secrétaires en train de s’asseoir sur leurs sièges pourpres à franges noires. On accédait à leurs bureaux par deux rampes latérales, par deux autres à la tribune d’où le président gagnait son fauteuil.
    L’ensemble de la décoration était une peinture de marbre jaune, coupé aux trois quarts de la hauteur par un entablement de porphyre et d’ornements imitant le bronze. De là, partait une fausse draperie verte, soutenue apparemment par des couronnes, bordée de rouge et relevée par des simulacres de cordons, rouges aussi. Couthon pouvait à juste titre parler de trompe-l’œil. Au-dessus de l’entablement, entre les portiques, des socles en non moins faux porphyre supportaient les bustes d’hommes illustres de l’antiquité, en bronze non moins feint. Encadrant l’estrade, contre le mur : les statues de Démosthène, Lycurgue, Solon, Platon, etc. Tout était en plâtre, en toile, en papier, en peinture. Le bloc de la tribune et des bureaux semblait fait de marbre vert, avec des pilastres en marbre jaune, des chapiteaux bronzés, et trois ronds de porphyre. Il n’y avait de vrai que les panneaux de chêne sur lesquels s’enlevaient en relief les mots LIBERTÉ, ÉGALITÉ, le trophée de drapeaux ennemis flottant au-dessus du fauteuil présidentiel, et enfin, derrière ce fauteuil, la draperie tombante qui masquait l’entrée d’un petit salon.
    Ces lieux sentaient la pacotille, la pauvreté, l’empirisme cachés sous de majestueux dehors. Hélas, ne pouvait s’empêcher de penser Claude, c’était l’image même de la République fragile, hasardeuse, pauvre, tout entière encore d’apparence. Cependant, le coup d’œil ne manquait pas d’agrément : lignes pures, couleurs nettes et sobres, proportions non sans grandeur. En revanche, l’acoustique était pire qu’au Manège. Ou bien la voix s’étouffait dans les renfoncements, ou bien, trop forte, elle se répercutait sur les murs lisses qui se renvoyaient les échos. On s’en aperçut tout de suite, en reprenant avec passion les disputes des jours précédents sur ce que la droite appelait « les abus de pouvoir de la Commune ».
    C’est que, devant les nouvelles désastreuses venant du Nord où Dampierre se révélait impuissant à contenir la poussée ennemie, et de la Vendée où la « grande armée catholique et royale », forte à présent de trente mille hommes commandés par des officiers expérimentés, munie de canons pris aux« bleus », infligeait échec sur échec aux gardes nationales républicaines et aux troupes dirigées par le Comité de Salut public, la Commune avait recouru à des mesures véritablement révolutionnaires. Imitant le département de l’Hérault qui venait de décréter la levée de six mille hommes pour les envoyer contre les Vendéens, et une contribution de six millions, la Commune de Paris avait arrêté la formation immédiate d’un corps de douze mille citoyens pris dans les compagnies des sections. Chaque compagnie de cent vingt-six hommes devait en fournir quatorze. Le comité de la section les désignerait. Nul ne pouvait refuser de partir. Les citoyens requis feraient connaître au comité ce qui manquait à leur équipement, il y serait pourvu aussitôt. Ils se réuniraient sans retard pour élire leurs officiers puis marcheraient sur-le-champ. Dubon, au comité

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