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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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portes, on voyait inscrits à la craie les noms des locataires, certains barrés d’un trait indiquant qu’un suspect était en prison.
    Claude, traversant le Carrousel, pour gagner son poste, vit arriver la petite phalange des Brissotins. Ils marchaient quasiment en bataille, au milieu de quelques groupes de sans-culottes qui ricanaient mais ne songeaient point à défier ces armes visibles. Comme au 10 août, le soleil se levait dans des vapeurs roses. Dans la salle de la Liberté, il y avait déjà des curieux, debout ou assis sur les banquettes écarlates, et un petit nombre de représentants, dispersés. Près de la statue en faux bronze, Danton parlait avec le ministre Garat.
    « Vois, dit tout haut Louvet à Guadet, vois quel horrible espoir brille sur cette figure hideuse !
    — Oui, répondit Guadet, c’est aujourd’hui que Claudius exile Cicéron. »
    Danton haussa les épaules. Un instant plus tôt, Meilhan, modéré, ami des Girondins, venait de lui assurer qu’ils avaient beaucoup de considération pour ses moyens, qu’ils ne le confondaient nullement avec Robespierre, et qu’il pourrait jouer un grand rôle « en usant de sa puissance pour soutenir les honnêtes gens ». À quoi Danton avait répondu avec brusquerie : « Vos Girondins n’ont point de confiance en moi. » Et comme Meilhan voulait insister : « Il n’ont point de confiance », avait-il répété en rompant l’entretien. Les députés arrivaient peu à peu. Par le dernier vestibule, ils gagnaient lentement la porte aux chimères. Au quart avant six heures, ils n’étaient que vingt-sept dans la salle des séances où le public n’avait pas encore accès.
    À l’Hôtel de ville, le Conseil général de la Commune siégeait déjà presque au complet devant les tribunes garnies. Dubon, vice-président, occupait le fauteuil. Pache, Chaumette, Hébert, attendaient. On savait ce qui allait se produire. Tout de suite, Dobsen, président du Comité de l’union républicaine, dit aussi Comité révolutionnaire, se présenta, accompagné des commissaires de l’Évêché, presque tous des municipaux. Dobsen annonça qu’ils venaient, au nom du peuple de Paris, dissoudre ses autorités en exercice. Dubon demanda les pouvoirs des commissaires, les vérifia et, constatant que ces pouvoirs émanaient de trente-cinq sections, déclara qu’effectivement la majorité des sections de Paris annulait les autorités constituées. Il se leva aussitôt, imité par le bureau, les membres, le maire, et ils quittèrent la salle aux applaudissements des tribunes. Cinq minutes plus tard, ils rentraient sous de nouveaux applaudissements, la première délibération des commissaires ayant consisté à proclamer que le ci-devant Conseil et la ci-devant municipalité avaient toujours rempli au mieux leurs devoirs envers le peuple ; en conséquence, ils étaient réintégrés et amalgamés aux commissaires des sections pour former le Conseil général révolutionnaire de la Commune de Paris.
    Ce n’était point comédie. Grâce à ce petit ballet, le Conseil se trouvait nanti de pouvoirs absolus, par conséquent du droit de choisir lui-même un commandant général qui, légalement, aurait dû être élu par la garde nationale tout entière. On le nomma aussitôt. Ce fut Hanriot, de la section des Plantes, ancien commis d’octroi, chef du bataillon des Sans-Culottes, désigné depuis plusieurs jours sur la recommandation de Marat. Comme on tenait à ne violer la liberté que le moins possible, on prit soin de le nommer seulement à titre provisoire, « sous la pression du danger ». Et, immédiatement, la municipalité, comme elle en avait le droit, requit la force armée. Celle-ci se composait pour l’heure d’environ quatre-vingt mille hommes. Chacune de leurs compagnies étaient en train de se former devant la demeure de son capitaine, désignée par un drapeau.
    Nicolas Vinchon en faisait partie, de ces citoyens tenus d’obéir au rappel. Avec sa pique et son briquet qui lui battait les cuisses, le petit mercier rouquin, après avoir embrassé sa femme et sa fille, s’en allait avec ses voisins au long de la rue de Seine, en se demandant de quoi il retournait. Nul ne le savait. On se perdait en conjectures, la plus vraisemblable étant que des royalistes attaquaient Paris – à l’arme blanche, fallait-il croire, car on n’entendait ni canonnade ni mousqueterie. Devant le collège des Quatre-Nations, sur la place en croissant

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