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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sans doute vers la Grève ou la Cité. D’autres en venaient. La cour était fort peuplée, ce soir. Un peu d’air agitait le nouveau feuillage de l’arbre de la liberté et le drapeau pendant au-dessus de l’enseigne, sur la façade éclairée par les modestes lampions habituels. À l’intérieur de l’église, les hauts gradins étaient combles, bourdonnants. Claude trouva là son beau-frère.
    « Eh bien, lui dit-il, une journée se prépare, à ce qu’il paraît.
    — J’y compte absolument, répondit Dubon. La malfaisance des Brissotins n’est plus tolérable. Ces gens-là nous étranglent. Si l’on ne s’en défait pas, ils vont nous livrer inertes aux ennemis. »
    Tout le monde assurait de même qu’il n’y avait plus de temps à perdre, il fallait enfin se sauver. Dès qu’un orateur voulait en proposer les moyens, on l’envoyait aux Six, à l’Évêché. Legendre, prenant la parole pour observer que l’on n’était plus sous la monarchie et qu’avant de recourir à des mesures extrêmes il fallait épuiser les recours légaux, on le traita d’endormeur. Parlant après lui, Robespierre dit, à peu près comme il l’avait fait à la veille du 10 août, que c’était à la Commune de s’unir intimement avec le peuple : « Pour moi, ajouta-t-il, je suis incapable de prescrire les moyens du salut. Cela n’est point donné à un seul homme, moins encore à moi qu’à tout autre, épuisé que je suis par quatre ans de révolution et consumé d’une fièvre lente. » En effet, il venait d’être encore malade. Il en avait dit assez cependant. Tombant de sa bouche, ces quelques mots consacraient l’assemblée de l’Évêché, ils lui donnaient un blanc-seing. Les Robespierristes et les Enragés s’accordaient pour en finir avec la Gironde. Chacun le comprit. Les assistants descendirent en nombre des gradins pour aller à l’Évêché.
    « J’y vais, dit Dubon à son beau-frère. Viens-tu ?
    — Non, ma foi, répondit Claude. Je suis las, je rentre. » L’évêque Gay-Vernon s’avançait vivement. « Je te trouve enfin, dit-il, je t’ai demandé au Comité de Salut public et chez toi. Il faut que nous parlions. » Il l’emmena dans la petite salle de la correspondance, vide à cette heure. « Nos collègues de la Haute-Vienne ont commis une faute, elle pourrait être de grave conséquence. Elle risque d’entraîner le département dans la faction girondine. J’ai appris la chose tout à l’heure. Comment Bordas a-t-il pu se laisser embarquer dans cette galère ? Heureusement, il a eu des doutes, il est revenu à lui, il m’a confessé son erreur. Pour les autres, cela ne me surprend pas, ce sont des modérantistes, ils gobent tous les fagots de Gorsas. Bref : le 24, Soulignac a réuni chez lui Lesterpt, Rivaud, Faye et Bordas. À eux cinq, ils ont rédigé une lettre aux administrateurs de la Haute-Vienne pour leur dénoncer les agitations de Paris, le complot ourdi contre les représentants des départements par une Commune factieuse et par des autorités illégales, enfin, tu vois, toutes les fables que répandent les Brissotins. Si nous n’y portons remède avec diligence, les administrateurs, trompés par ces ventres stupides, vont s’engager dans quelque mesure qui pourrait compromettre…
    — Le 24, dis-tu ? Il n’y a pas de temps à perdre. Il faut faire partir tout de suite un message par courrier. »
    Gay-Vernon prit la plume. Tantôt de sa propre inspiration, tantôt sous celle de Claude, il écrivit rapidement : « Citoyens, nous n’avons qu’une minute pour vous avertir. Vous avez reçu ou vous allez recevoir une lettre de la députation. Elle est entièrement contre notre avis, à Mounier-Dupré et moi. Nous sommes tous ici en sûreté. Le peuple de Paris dans sa masse est excellent. Tout ce que la députation avance n’est rien moins que prouvé. Nous voyons des dénonciations vagues, fondées la plupart sur des motions de têtes folles. Nous croyons à la réalité d’une certaine conspiration : ce n’est point celle que l’on vous dénonce. Tournez vos regards sur la malveillance, sur la Vendée, sur les tyrans, et pressez la Convention de faire la Constitution, mais ne jetons pas des alarmes propres à désespérer le peuple. Nous applaudissons au zèle de la députation, nous ne partageons cependant pas son avis sur les circonstances, et nous vous recommandons de ne pas vous engager dans des voies contraires à l’unité de la

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