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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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de la Cour alors que Carra et les Brissotins chantaient les louanges du pouvoir exécutif.
    — Justement, dit Claude, c’est ce que nous répondrons. Les registres de la Société en fourniront témoignage au besoin. »
    Brissot ne l’ignorait pas. Aussi n’attaqua-t-il point au club. Ce fut devant l’Assemblée qu’il soutint l’offensive amorcée par Carra dans son journal. Il prouva d’une façon plausible, en s’appuyant sur des pièces, la relation directe de Montmorin et Delessart avec Mercy-Argenteau, l’ancien ambassadeur d’Autriche en France, présentement à Bruxelles, conseiller intime et toujours écouté de Marie-Antoinette à qui Marie-Thérèse l’avait donné comme Mentor. Pour Louis XVI, tous les diplomates européens savaient que Breteuil le représentait à Vienne, et que Mallet du Pan, récemment envoyé à Francfort sous prétexte de surveiller l’offensive, était l’agent du Roi près des émigrés. En conclusion, Brissot accusait formellement Montmorin, Bertrand de Molleville, l’ancien ministre de la Justice : le fayettiste Duport-Dutertre, et l’ex-député Malouet. L’Assemblée écouta sans décider.
    Le soir, Danton, qui soupait à la Mairie avec des amis, dont Claude et Lise, dit que Brissot avait fait passer la charrette avant les bœufs. « On ne pourra rien obtenir de la Cour tant qu’elle conservera sa garde constitutionnelle. Vous avez commis une jolie bêtise, ajouta-t-il à l’adresse de Claude et de Pétion, le jour où vous en avez doté le Roi. C’est une armée qu’il a maintenant. Et, en outre, payée de notre poche.
    — Pardonnez-moi, protesta le maire. Nous ne lui avions pas donné six mille hommes. Si la nouvelle assemblée n’en a point surveillé le recrutement, nous n’en sommes pas responsables.
    — Et quels hommes ! dit Manuel, procureur de la Commune, dont Danton était le substitut. Des bretteurs de profession, des maîtres d’armes, des royalistes fanatiques venus de la Vendée, du Midi, même une séquelle de prêtraillons forts comme des Alcides, auxquels l’Église, qui prétend avoir horreur du sang, a laissé prendre l’habit bleu, le poignard et le pistolet. Avec ça, tous provocants, narguant les patriotes dans les rues et les promenades, insolents avec les citoyennes. Ce n’est pas une garde, c’est une troupe triée pour la guerre civile. »
    Déjà, la veille, Pétion avait protesté là-contre. Par une lettre au commandant de la garde nationale – lettre rendue publique –, il lui demandait de multiplier les patrouilles et de se montrer vigilant, car on voulait manifestement provoquer des troubles, voire enlever le Roi. Louis XVI s’était plaint amèrement d’une pareille suspicion, dans un message au directoire du Département. Celui-ci venait de faire afficher la protestation royale, mais les Jacobins de la Commune n’y accordaient aucune confiance.
    « Savez-vous, demanda Manuel, que Sombreuil, aux Invalides, a donné l’ordre de céder les postes, la nuit, à la garde du Roi si elle se présente ?
    — Moi, dit Danton, je tiens de Bazire qu’un cavalier de cette garde : un certain Joachim Murat, bon patriote, a démissionné parce qu’on cherchait à le soudoyer avec bien d’autres pour les envoyer à Coblentz. Le ci-devant Brissac recrute non seulement pour la garde du Roi mais aussi pour l’armée des Princes. »
    Le maire approuva de la tête. « C’est certain, dit-il, et il est bien évident que si ces aristocrates tentaient un coup pour emmener le Roi, ils y réussiraient sans peine. Qu’opposerions-nous à leurs six mille spadassins bien montés, fortement armés ? Deux ou trois bataillons de piques. La garde nationale est incertaine en grande partie, feuillantine, fayettiste, sinon pire. Oui, j’en suis sûr, il se prépare des choses sinistres. La tranquillité actuelle est toute apparence : elle ressemble au silence qui précède la foudre. Il nous faut veiller, mes amis, et nous unir. Je le dis tout net : je n’approuve pas Robespierre d’affaiblir les patriotes par sa querelle avec la Gironde », acheva Pétion.
    Il s’était entremis pour rapprocher Robespierre et Brissot qui n’avait pas de rancune, mais Maximilien restait intraitable. Loin de désarmer, il multipliait ses coups sur les Brissotins. Dans les derniers jours du mois, montant à la tribune de sa façon solennelle et roide, comme s’il portait péniblement le poids du discours qu’il allait lâcher de

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