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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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là-haut sur ses adversaires, il s’en prit à Guadet, Gensonné, Condorcet, avec Brissot. Il les accusa tous de placer leurs créatures, d’abandonner les patriotes, de s’entendre secrètement avec les Feuillants, La Fayette et la Cour, de pratiquer comme leurs alliés « cet art qu’ont les tyrans de provoquer un peuple, toujours juste et bon, à des mouvements irréguliers pour l’immoler ensuite et l’avilir au nom des lois ». Puis il leur lança ce pavé : pourquoi avaient-ils voté un million et demi aux généraux, tous contre-révolutionnaires, et six millions à Dumouriez avec dispense de rendre compte ? Claude ignorait ces deux derniers détails. Ils le firent sursauter, passer sur l’évidente invraisemblance d’une collusion avec la Cour. Il y avait de la mauvaise foi sinon de la perfidie à soupçonner un Guadet, un Condorcet, un Vergniaud. Mais donner six millions sans surveillance à un homme éminemment suspect, c’était au moins de la légèreté, et combien coupable ! Aussi adopta-t-il, avec la plupart des clubistes saisis comme lui, la motion de défiance proposée par Robespierre contre l’ensemble des Brissotins. On décida que les sociétés provinciales d’inspiration girondine, nombreuses à se former en ce moment, ne recevraient pas l’affiliation.
    Pourtant les girondistes montraient sans conteste la vigueur de leurs intentions. Au moment où Robespierre les frappait, ils frappaient rudement la Cour : le petit Louvet, avec une délégation des Lombards, était allé à la barre de la Législative requérir que toutes les sections fussent déclarées en alerte permanente. Cette précaution prise, après un rapport écrasant de Bazire sur les agissements de la garde constitutionnelle, Vergniaud et Guadet obtinrent son licenciement immédiat, la remise de tous les postes des Tuileries à la garde nationale, enfin l’arrestation du duc de Brissac. L’Assemblée déclara son décret non soumis à la sanction royale et instantanément exécutoire. Devant l’attitude résolue des sections en armes, cette impudente garde du Roi, détestée par la majorité des Parisiens, disparut sans résistance. On ne pouvait porter au Château plus rude coup. Malheureusement, si la garde n’existait plus, ses éléments demeuraient. Les uns, en posant l’habit bleu et blanc, avaient pris l’habit rouge des Suisses. D’autres, rentrant dans la garde nationale, y répandaient le poison du royalisme. D’autres, pour se dissimuler sous le costume civil, n’en étaient pas moins bien armés ni moins provocants. Tous enfin recrutaient. Ce ne serait plus de six mille hommes mais bientôt de dix ou douze mille, capables de se reconnaître et se réunir rapidement, que l’on aurait à craindre un coup de force en liaison avec une offensive autrichienne.
    Ce fut alors, dans cette atmosphère inquiétante, contrastant avec la sérénité du début de juin splendide, que Claude reçut, un soir, un billet de M me  Roland : « Servan va demander demain, par une lettre à l’Assemblée, la formation d’un camp de vingt mille volontaires sous Paris. C’est le seul moyen de réprimer les entreprises de la Cour. Je vous prie instamment, comme tous nos amis, de l’appuyer aux Jacobins. »
    Le moyen, en effet, paraissait fort bon : la réunion de vingt mille patriotes sûrs ramènerait le couple royal et ses sicaires au respect de la loi. L’excellence de cette mesure fut démontrée par la colère de Dumouriez qui entra en fureur, au premier conseil après la lecture du message de Servan à l’Assemblée. Excepté Roland, le ministre de la Guerre n’avait mis aucun de ses collègues au courant de son dessein, et Roland dit à ses intimes que la dispute avec Dumouriez avait été d’une extrême violence. « N’eût été la présence du Roi, affirma-t-il, l’affaire aurait assurément fini d’une manière sanglante.
    — Vous voyez bien, observa Claude, que Dumouriez est l’homme de la Cour. Il a pris la succession de Mirabeau, de ce pauvre Barnave et de l’inconséquent La Fayette. Si vous me permettez une opinion : il n’y a pour vous qu’une façon de servir maintenant la patrie, c’est de démissionner. En restant au Conseil, vous entretenez une équivoque à laquelle le peuple se trompe. »
    Mais il y avait quelqu’un d’aussi outré que Dumouriez : Robespierre. Cette grande initiative prise par la Gironde sous l’impulsion non douteuse de M me  Roland

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