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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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seulement je m’y refuserai, mais qu’au besoin j’irais en appeler à la barre de l’Assemblée nationale contre le Directoire. »
    Deux jours plus tard : le 28, Claude apprit par Danton, furieux, que La Fayette était à Paris depuis la veille au soir. « Le bougre a eu le front d’abandonner son poste pour venir réclamer, ce matin, à l’Assemblée je te demande quoi ? Des poursuites contre les criminels de lèse-nation – il n’a quand même pas osé dire de lèse-majesté – et la destruction d’une secte qui envahit la souveraineté nationale, qui tyrannise les citoyens. Ce sont ses mots. Guadet lui a cloué le bec en demandant ce qu’est M. La Fayette pour s’autoriser à quitter son commandement quand l’ennemi menace la Flandre. Mais ses complices feuillants l’ont admis aux honneurs de la séance. Cela dépasse l’imagination. À présent, il est chez le Roi.
    — Bah ! répondit Claude plaisamment, ta bête noire te fait voir rouge. Blondinet est un sot, et son initiative ne peut tirer à conséquence : Marie-Antoinette le déteste trop pour cela. Je gage qu’elle préférerait périr que de lui devoir son salut. Pour ma part, j’estime ses menées moins dangereuses ici qu’à la frontière. »
    De fait, la nuit suivante, la Reine envoya prévenir Pétion et Santerre que le général allait, au matin, passer en revue la 1 re légion de la garde nationale, commandée par Acloque. Santerre, dans la nuit même, prit des mesures pour mettre sur pied les bataillons du faubourg si besoin était, et Pétion, dès la première heure, interdit cette revue absolument illégale. Elle n’eut pas lieu. La Fayette réunit alors, chez son ami La Rochefoucauld, les officiers généraux feuillants de la garde nationale et leur proposa d’attaquer avec lui les Jacobins. Le rassemblement des forces fut fixé pour le soir, aux Champs-Elysées. On partirait de là pour investir le club.
    À la fin de la relevée, quelque chose de ce dessein se répandit. Claude n’en savait rien. En arrivant, il trouva dans l’église une assistance clairsemée par la panique, et quelques courageux, résolus à mourir sur place. Ils s’y préparaient en se livrant à d’héroïques déclamations. Les chefs, paraissait-il, avaient couru chez Dumouriez pour le conjurer de marcher contre les Fayettistes. Quelle idée absurde ! si ce n’était un prétexte à prendre le large. Pendant ce temps, sous les arbres des Champs-Elysées, La Fayette attendait en vain les « forces » promises : il vint à peine cent hommes. On remit au lendemain. Cette fois, il n’y en eut pas trente. Le général repartit sans tambours ni trompettes. Le soir, au Palais-Royal, on le brûla en effigie. Danton se tapait sur les cuisses. « Hon, hon, marmonna Desmoulins, tant qu’il a une armée, il faut s’en défier. »
    Mais des pensées plus personnelles occupaient l’esprit de Camille, tout habité par un mélange de bonheur et de soucis : avec une fébrilité impatiente et joyeuse il attendait d’un jour à l’autre la naissance de son fils.
    « Et si c’est une fille ? disait Lise amusée.
    — On ne l’accueillera pas moins bien, mais ce sera un fils, j’en suis sûr. »
    D’autre part, Camille se débattait dans les pires embarras. Le journal dont il avait entrepris la publication avec Fréron : la Tribune des Patriotes, s’était effondré en peu de temps. Depuis six mois, avec la dégringolade continue des valeurs d’argent, la dot de Lucile, placée sur le Roi, avait perdu considérablement en revenu. Enfin, le barreau, auquel son léger bégaiement ne le rendait guère propre, lui rapportait peu. Malgré ces ennuis, il demeurait bon compagnon, toujours plein d’ardeur, d’espoirs, de passion un peu inconséquente parfois mais si vivante. Auprès de lui, Claude se trouvait trop réfléchi, trop retenu, jugeant plus qu’il ne s’enthousiasmait. Était-ce l’influence de sa magistrature ?
    Pourtant les sujets de passion ne manquaient pas. Ils se multipliaient même avec les difficultés et les dangers qui empiraient à chaque jour de cet été brûlant. La situation militaire devenait très menaçante : bien que l’exécutif n’en eût encore rien dit à l’Assemblée, on savait la Prusse alliée maintenant à l’Autriche. Luckner, après avoir avancé en Belgique, venait, sans combattre, de se retirer sur Lille et Valenciennes, abandonnant Courtrai dont on avait détruit les faubourgs : ce

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