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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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qu’une fois les volontaires à Paris on trouverait aisément le moyen de les y retenir ! La Cour ne pouvait pas ne s’en point douter. Comment le Roi acceptait-il, sous une forme à peine différente et tout aussi inquiétante pour lui, ce qu’il avait si obstinément repoussé ? Savait-il à présent que les hordes étrangères seraient ici avant les fédérés ?
    Aux Tuileries, Marie-Antoinette attendait en comptant les semaines. Elle n’avait pas voulu de La Fayette, cet hypocrite : un des plus grands coupables parmi les nobles qui avaient trahi la royauté. Il n’entendait évidemment pas la rétablir mais maintenir le régime bâtard et humiliant dont il s’était fait le tuteur. Avec quelle joie on lui rendait ses perfidies ! Ah ! ce misérable-là, si, un jour !… Elle ne voulait pas davantage des princes, ses beaux-frères, ambitieux, sournois, haineux. Ils l’avaient fait traîner dans la fange par leurs libellistes. Par leurs intrigues, ils les avaient menés, elle et son mari, là où ils en étaient à présent. Assurément, Monsieur n’entrerait en France que pour prendre la place de son aîné sur le trône. Sur qui donc compterait-elle sinon sur les soldats de son neveu et de son cousin de Prusse ? Elle connaissait leur itinéraire, leurs étapes, la date à laquelle ils atteindraient Lille, le jour où ils investiraient Verdun. Malgré l’urgence du secours, elle avait recommandé de ne commencer décidément la campagne qu’après la moisson. Il fallait se maintenir jusque-là, au milieu des plus grands risques, avec les menaces de l’assassinat qui se préparait pour elle et son époux, elle en était sûre.
    Un des premiers soirs de juillet, tandis que Claude et Lise, cherchant un peu de fraîcheur sur leur balcon après la torride journée, considéraient le Carrousel et se demandaient non sans une sourde angoisse ce qui pouvait bien se préparer au Château dont les toits, luisant dans la nuit laiteuse, leur barraient l’horizon, la Reine, dans sa chambre blanche et or dont le plafond, peint par Mignard, représentait la Nuit dans un manteau semé d’étoiles, se confiait à M me  Campan. Elles étaient assises devant une des hautes fenêtres par lesquelles on apercevait les parterres et les frondaisons du jardin. La clarté de la lune projetait un rectangle de vif-argent sur le parquet et faisait pâlir la lumière des flambeaux. Le lustre de cuivre et de cristal était éteint. Le lit blanchoyait doucement dans l’alcôve à colonnes. Tout, au Château, était paisible et silencieux, mais les échos de l’abominable tumulte s’éteindraient-ils jamais pour des oreilles sensibles ? Marie-Antoinette poussa un soupir. « Ah ! dit-elle, si nous vivons encore dans un mois, je ne verrai pas de nouveau cette lune sans être délivrée de mes chaînes. « Puis, après un silence inquiet : « Par exemple, qu’arrivera-t-il lorsque nos alliés seront aux abords de Paris ? Tout plein de courage qu’est le Roi, il ne sait pas commander. Je monterais bien à cheval, mais alors je l’anéantirais. »
    Claude aurait voulu aller le lendemain au Manège, car Vergniaud devait y prendre la parole sur une mesure de salut public proposée par la commission d’études extraordinaires, dite « Commission des douze », chargée en l’occurrence d’indiquer les moyens susceptibles, au cas où la situation deviendrait tout à fait menaçante, de galvaniser la nation entière et la mettre en état de pourvoir elle-même à sa défense. Les « douze » présentaient un projet de loi fondée sur cette déclaration : La patrie est en langer. Une fois l’imminence du péril constatée par le corps législatif et proclamée par lui dans cette formule, toutes les autorités des communes, des districts, des départements, l’Assemblée elle-même, se trouveraient requises en permanence et munies de tous les pouvoirs. Sous les peines les plus sévères, tous les possesseurs d’armes devraient les apporter aux lieux désignés, afin qu’il en fût fait une judicieuse distribution. Tous les citoyens en état de servir seraient immédiatement incorporés dans les gardes nationales. Ils pourraient être envoyés en tout endroit où le besoin de la patrie l’exigerait, soit à l’intérieur, soit aux frontières, soit au-delà. Ceux qui seraient mobilisés hors de leur district recevraient la solde des volontaires. Ils n’auraient point à se fournir d’uniforme, la cocarde

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