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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’éloignement de tous les fédérés en montrant leurs instincts sanguinaires. Sans doute, mais Claude voyait là autre chose de plus inquiétant. Un banquet de plusieurs centaines de couverts ne s’improvise pas. On l’avait commandé la veille, au plus tard. Si ce n’était Santerre lui-même, du moins ne pouvait-il ignorer que les sections de son faubourg offriraient, ce lundi, un repas aux Marseillais. Pensait-il banqueter avec eux en investissant le Château ! Donc, la nuit dernière, quand il s’engageait à fournir son concours, il n’avait aucune intention de tenir cette promesse et il savait par conséquent que l’insurrection projetée ne se produirait pas. Comment qualifier cela, sinon de duplicité ?
    Après Legendre, Santerre était l’homme à qui Claude avait toujours accordé le plus de confiance. Voilà que lui aussi jouait son jeu personnel ! Tous agissaient de même. Le lendemain, Claude, parlant avec Prudhomme, apprit que celui-ci avait reçu la visite de Danton, Desmoulins et Fabre venus lui demander l’appui des Révolutions de Paris pour détrôner le Roi. Comme le journaliste leur demandait : « Mais qui mettrez-vous à sa place ? – Le duc d’Orléans », avait répondu Camille. Camille, le premier des républicains, l’ami, le collaborateur de Robespierre qui ne voulait d’Orléans à aucun prix ! Et Brissot, si acharné, au départ du Roi, à réclamer la république modèle américain, déclarait maintenant à l’Assemblée : « S’il existe des hommes qui tendent à établir la république sur les débris de la Constitution, le glaive de la loi doit frapper sur eux comme sur les contre-révolutionnaires de Coblentz. » Et Robespierre ? ignorait-il la campagne menée pour lui par ses fervents, Panis en tête qui allait partout chuchotant : « Il faut un chef au peuple. Brissot aspire à la dictature, il est incapable de l’exercer. Pétion la possède sans oser s’en servir, c’est un trop petit génie. Sans doute aime-t-il la Révolution, mais il veut l’impossible : des révolutions légales. Si l’on ne violentait pas sa faiblesse, il n’y aurait jamais de résultat. Robespierre sera notre Brutus. » À quoi Claude haussait les épaules, car Maximilien montrait assez par son attitude qu’il ne souhaitait ni la république pour la France ni la dictature pour lui-même. Il n’ambitionnait pas d’être un meneur d’hommes mais un prophète, un pontife.
    Au demeurant, toutes ces intentions diverses, d’ailleurs incertaines d’elles-mêmes, poussaient à un même résultat, comme le dit Claude à son beau-frère. « C’est ensuite, ajouta-t-il, que les rivalités se déchaîneront vraiment. Si le Roi est détrôné, si Brunswick n’arrive pas ici pour le rétablir, nous verrons de rudes combats entre les factions. Voilà bien ce que redoute Robespierre ; Moi non plus, je n’envisage pas un avenir de tout repos.
    — En tout cas, dit Dubon, quel qu’il soit ce sera un avenir véritablement démocratique. Vous aviez aboli les privilèges nobles, nous venons d’abolir les privilèges bourgeois. Danton a fait voter par la section du Théâtre-Français une motion déclarant que, la patrie étant en danger, tous les hommes français sont appelés à la défendre, qu’il n’existe plus ce que les aristocrates qualifiaient de citoyens passifs. Ceux qui portaient cette injuste dénomination ont dès à présent leur place dans les rangs de la garde nationale comme dans les assemblées de section.
    — Diantre ! En effet, c’est une révolution cela, et juste. Si le Manège suit…
    — Qu’il suive ou non, peu importe. Au bureau central, nous avons avisé les autres sections. À l’heure actuelle, la plupart sont en train d’imiter celle du Théâtre-Français.
    — Décidément, dit Claude pensif, c’est à Danton qu’il faut s’en remettre. La leçon de lundi lui a servi : il organise avec soin son insurrection, et dans le détail. Ils seront tous contraints de marcher, cette fois. Voilà un an, je lui ai prédit qu’il nous donnerait la république. Il nous la donnera, d’une façon ou d’une autre. Je ne sais trop ce qu’il a derrière la tête, mais je vous assure, Jean, cet homme est le seul à posséder l’étoffe d’un chef.
    — Par moments, oui c’est vrai. Par moments. »
    Le lendemain, 4 août, Danton agissait encore avec la même énergique habileté en faisant réclamer par la section du Théâtre-Français

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