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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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dont il était président la décapitation de la garde nationale. Plus de chefs de légion, les sections ne reconnaîtraient comme officiers supérieurs que leurs propres commandants de bataillon et n’obéiraient qu’à eux. Enfin, dans la nuit, il alla chercher les Marseillais à leur caserne, trop lointaine, de la Chaussée d’Antin, pour les installer aux Cordeliers.
    Au matin, Claude était à sa toilette, Lise encore au lit, quand on entendit dans l’appartement une voix que l’on ne pouvait confondre avec nulle autre. Margot, effarée par cette visite à pareille heure, un dimanche, se récriait : Monsieur et madame n’étaient pas encore levés. Danton, sans s’émouvoir, lança du salon :
    « Viens vite, mon ami, j’ai à te parler. Viens en chemise, il n’importe.
    — Qu’y a-t-il donc ? s’exclama Claude, arrivant à demi rasé.
    — Je pars. Il faut que je m’en aille, lui dit Danton, sombre, le front têtu.
    —  Que tu t’en ailles ! Pourquoi ? Où cela ?
    Je pars pour Arcis. » Il s’assit, se mit à se frotter machinalement les genoux. « Je vais faire mes adieux à ma mère. » Il releva ses yeux bleus, magnifiques dans son visage brun-rouge, grêlé, ravagé, et, regardant profondément Claude, répéta : « Je vais faire mes adieux à ma mère. Tu comprends ?
    — Ah ! bah ! soupira Claude au bout d’un instant, tu crois que…
    — Je ne crois rien, je dis seulement : malheur à ceux qui provoquent les révolutions, mais malheur aussi à ceux qui les font ! »
    Lise, inquiète, entra vivement, en peignoir, les cheveux rassemblés sous un bonnet du matin. Danton la salua de quelques mots affectueux puis, retournant à ses sombres pensées : « Vous êtes des enfants, tous les deux. Croyez-vous que l’affaire va se passer comme une bergerade ! Où nous mèneront les forces une fois lancées ? Allons-nous simplement à la déchéance du Roi, à son remplacement par Orléans, ou bien à des bouleversements beaucoup plus grands encore ?
    — Si quelqu’un peut les avoir, c’est toi, Georges, il me semble.
    — Ah ! oui, toi aussi tu me prends pour un Laclos ! Eh non, mon ami, non, je ne tiens pas plus au gros Philippe qu’à autre chose. Je voudrais la joie, la bonne vie, et nous allons déchaîner une tempête. Oh ! je ne reculerai pas, sois tranquille. Mais avant que la foudre se déclenche, j’ai besoin de retourner là-bas, de revoir encore une fois les miens, Arcis, le clocher de Saint-Étienne, l’Aube cascadant sous les moulins, l’avenue des Soupirs, ma terre. Je dois être comme Antée », ajouta-t-il avec un sourire moitié railleur moitié mélancolique. « Tu feras patienter les amis.
    — Je comprends tes sentiments, mais tu t’en vas quand ta présence est le plus indispensable. »
    Il ne voulut rien entendre et sortit brusquement, laissant Claude déconcerté. « Un chef qui abandonne ses troupes la veille de l’attaque ! dit-il à Lise. Tout ça pour aller revoir le clocher de Saint-Étienne, l’Aube cascadant sous les moulins, l’avenue des Soupirs. Danton bucolique !
    — Il l’a toujours été. Il aime tant Arcis ! Rappelle-toi ce que Camille nous écrivait, l’an dernier.
    — C’était l’an dernier. Aujourd’hui, cent trente-huit mille hommes sont en train de forcer nos frontières, et si nous ne frappons pas ici un coup puissant, nous sommes perdus. Est-ce le moment de goûter les plaisirs de la campagne ? »
    Claude se rendit en hâte chez les Duplay. Desmoulins, Fabre étaient avec Robespierre, désemparés par cette nouvelle lubie de Danton. Allant chez lui pour lui annoncer que Sergent et Panis faisaient donner des cartouches aux Marseillais, et pour prendre de concert les dernières dispositions, ils n’avaient trouvé cour du Commerce que la bonne servante Marie Fougerot. Monsieur était à Arcis, madame chez ses parents, à Fontenay, avec le petit Antoine. Ce fut une belle panique parmi les Cordeliers quand le bruit de ce départ se répandit. Si Danton abandonnait ainsi la place, au dernier moment, c’est qu’il jugeait l’entreprise sans espoir. Claude expliquait bien que non, que Danton s’absentait seulement pour deux ou trois jours ; on ne le croyait point. Lui-même, d’ailleurs, montrait plus d’assurance qu’il n’en ressentait réellement. « Il est joli, votre chef ! dit Dubon. Eh bien, nous nous passerons de lui.
    — Essayez d’agir par le moyen des sections, mais selon

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