Les Aventures de Nigel
à le consoler.
Le lieutenant parut réfléchir et garder un moment le silence avec l’air du doute.
– Le pauvre garçon, continua sir Mungo, doit avoir besoin d’un compagnon aimable qui puisse lui dire la nature du châtiment qu’il doit subir, et autres choses qui l’intéressent. Je ne le quitterai pas que je ne lui aie démontré qu’il s’est complètement perdu de la tête aux pieds ; – il faut qu’il soit entièrement convaincu de l’état déplorable de ses affaires, et du peu d’espoir qu’il a de les rétablir.
– Hé bien, sir Mungo, répondit le lieutenant, si vous croyez réellement tout cela bien consolant pour la partie intéressée, je donnerai ordre qu’on vous conduise dans son appartement.
– Et moi, dit George Heriot, je prierai humblement lady Mansel de vouloir bien prêter des hardes de sa femme de chambre à cette jeune étourdie ; car je ferais tort à ma réputation si je traversais le quartier de la Tour dans cet équipage de fou, – quoiqu’il n’aille pas trop mal à la petite sotte.
– Je vous renverrai tout de suite dans ma voiture, dit lady Mansel avec obligeance.
– Ma foi, madame, puisque vous voulez bien nous honorer de tant de courtoisie, je l’accepterai volontiers, dit le citadin, car je suis accablé d’occupations, et la matinée s’est déjà passée à ne rien faire.
La voiture du gouverneur transporta le digne citadin et sa compagne dans sa maison de Lombard-Street. Il y trouva lady Hermione, qui attendait son retour avec une vive anxiété ; elle venait de recevoir l’ordre d’être prête à comparaître dans une heure devant le conseil privé présidé par le roi.
L’inexpérience de cette dame dans les affaires, et sa longue retraite de la société et du monde, étaient cause que cet ordre avait fait sur elle une aussi vive impression que si elle n’eût pas été la conséquence nécessaire de la pétition qu’elle avait fait présenter au roi par Monna Paula. George Heriot lui reprocha avec douceur d’avoir fait des démarches dans une affaire importante avant son retour de France, surtout après qu’il l’avait engagée positivement à rester tranquille, dans une lettre datée de Paris, comme elle avait pu s’en convaincre par ses yeux. Elle ne put s’excuser que sur l’influence que ses démarches pouvaient avoir en ce moment sur l’affaire de lord Glenvarloch ; car elle était honteuse d’avouer combien elle avait été convaincue par l’importunité pressante de sa jeune compagne. Le motif de l’empressement de Marguerite était naturellement la sûreté de Nigel ; mais nous choisirons un autre instant pour montrer le rapport qu’il pouvait avoir à la pétition de lady Hermione. En attendant, nous reviendrons à la visite dont sir Mungo Malagrowther favorisa le jeune lord captif.
Le chevalier, après les salutations d’usage, et après avoir fait précéder son discours par une foule de regrets que lui inspirait la situation de Nigel, s’assit auprès de lui, et, donnant à ses traits grotesques l’expression du plus cruel désespoir, il commença son chant lugubre de la manière suivante :
– Je bénis Dieu, milord, d’avoir eu le plaisir de porter au lieutenant le message clément de Sa Majesté qui vous décharge de l’accusation la plus forte dont vous étiez l’objet, pour avoir conspiré contre la personne sacrée du monarque ; car, supposons que pour le second chef, qui est une violation des privilèges du palais et de sa juridiction, vous soyez poursuivi usque ad mutilationem, c’est-à-dire jusqu’à la perte d’un membre, comme cela vous arrivera vraisemblablement, ce châtiment n’est rien en comparaison d’être pendu et écartelé vif comme un traître.
– La honte d’avoir mérité un pareil châtiment, répondit Nigel, serait pour moi plus sensible que la douleur du supplice.
– Sans doute, milord, la pensée de l’avoir mérité doit être un tourment pour votre esprit, répliqua son bourreau ; une sorte de pendaison et d’écartellement mental et métaphysique, qui en quelque sorte équivaut à l’application extérieure du chanvre, du fer, du feu, et autres substances semblables sur l’homme physique.
– Je dis, sir Mungo, répéta Nigel, et je vous prie d’entendre mes paroles, que je ne suis coupable d’aucune faute, si ce n’est que j’avais des armes sur moi quand le hasard me conduisit près de la personne de mon souverain.
– Vous avez raison,
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