Les Aventures de Nigel
qui a-t-elle été présentée ? Il faut qu’il y ait eu quelque chose de bien étrange dans son contenu, ou que…
– Vous pouvez en avoir le brouillon, dit lord Nigel en lui remettant un papier qu’il prit dans un petit portefeuille. Le fonds m’en a été fourni en Écosse par mon homme de loi, qui a autant de bon sens que d’habileté ; la rédaction est mon ouvrage ; et je me flatte qu’il n’y manque ni respect ni modestie.
Maître Heriot parcourut des yeux le projet qui venait de lui être remis. – Parfait ! dit-il, excellent ! rien ne peut être plus respectueux. Est-il possible que le roi ait traité cette pétition avec mépris ?
– Il l’a jetée par terre, et m’a envoyé pour réponse cette proclamation, qui me classe avec les pauvres et les mendians qui viennent d’Écosse déshonorer sa cour aux yeux des orgueilleux Anglais. C’est toute la réponse que j’en ai reçue. – Si mon père ne l’avait soutenu de son courage, de son épée et de sa fortune, peut-être le roi lui-même n’aurait-il jamais vu la cour d’Angleterre.
– Mais par qui cette supplique a-t-elle été présentée, milord ? car quelquefois le mécontentement que cause le messager influe sur l’accueil qu’on fait au message.
– Par mon domestique. – Par l’homme que vous avez vu, et pour lequel je crois que vous avez eu des bontés.
– Par votre domestique, milord ? – Le drôle a l’air avisé. C’est sans doute un fidèle serviteur ; mais il me semble que…
– Vous voulez dire que ce n’était pas un messager convenable à envoyer au roi ? j’en conviens ; mais que pouvais-je faire ? j’avais échoué dans toutes mes tentatives pour faire arriver mes pétitions jusqu’au roi ; elles s’étaient toujours arrêtées entre les mains des commis et des secrétaires, et cet homme m’avait dit qu’il avait dans la maison du roi un ami qui l’introduirait en présence du monarque ; j’ai cru…
– Fort bien, milord ; mais vous à qui votre rang et votre naissance donnaient le droit de paraître à la cour, pourquoi n’avez-vous pas sollicité une audience qui n’aurait pu vous être refusée ?
Le jeune lord rougit en jetant un coup d’œil sur ses vêtemens, qui étaient fort simples, et qui, quoique encore en bon état, paraissaient avoir fait quelque service.
– Je ne sais pourquoi je rougirais de dire la vérité, répondit-il après avoir hésité un moment : je n’avais pas de costume convenable pour me présenter à la cour ; je suis déterminé à ne pas faire de dépenses que je ne pourrais payer ; et je crois, monsieur, que vous ne me conseilleriez pas d’aller me placer en personne à la porte du palais, pour présenter ma pétition, avec les mendians qui exposent leurs besoins et sollicitent une aumône.
– Cela aurait été fort inconvenant, dit le citadin ; mais je ne puis m’ôter de l’idée, milord, qu’il y a eu ici quelque méprise. – Me permettriez-vous de parler à votre domestique ?
– Je ne vois pas à quoi cela pourra servir, répondit le jeune lord, mais l’intérêt que vous prenez à mes malheurs paraît si sincère, que… Il frappa du pied, et presque au même instant Moniplies arriva, essuyant sa barbe et ses moustaches couvertes de mousse de bière et de quelques miettes de pain, qui indiquaient à quoi il était occupé.
– Votre Seigneurie me permet-elle de faire quelques questions à son valet ? demanda Heriot.
– Dites au page de Sa Seigneurie, maître Georges, si vous voulez vous exprimer convenablement, répliqua Moniplies en lui témoignant par un signe de tête qu’il le reconnaissait.
– Point d’observations impertinentes, lui dit son maître, et contentez-vous de répondre distinctement aux questions qui vous seront adressées.
– Et avec vérité, ne vous déplaise, monsieur le page, ajouta le marchand de la Cité, car vous devez vous souvenir que j’ai le don de découvrir les mensonges.
– Hé bien ! hé bien ! à la bonne heure, répondit Richie un peu embarrassé, en dépit de son effronterie ; mais il me semble que la vérité qui suffit à mon maître doit suffire à tout le monde.
– Les pages mentent à leur maître par droit de coutume, dit maître Georges Heriot, et vous vous attribuez ce privilège, quoiqu’il me semble que vous n’êtes pas un des plus jeunes de la confrérie ; mais, quant à moi, si vous ne dites pas la vérité, je vous préviens que cela
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