Les Aventures de Nigel
l’air de formalité convenable à la circonstance, fit observer que, l’affaire qu’ils traitaient regardant lord Glenvarloch, il ferait mieux de rester pour en prendre connaissance, et être témoin de ce qui se ferait.
– Ma présence est entièrement inutile, mon cher lord, et mon bon ami, maître Heriot. Je suis sans expérience en affaires ; je n’y comprendrais rien, et je puis vous dire dès à présent ce que je vous dirai quand tout sera terminé, que je n’ose retirer le gouvernail des mains des pilotes habiles dont l’amitié a dirigé ma course si près d’un port où je n’espérais guère d’entrer. J’apposerai ma signature et mon sceau à tout ce que vous jugerez convenable, et une courte explication que me donnera maître Heriot, s’il veut bien prendre cette peine pour moi, m’instruira mieux que tous les termes techniques et savans d’un homme de loi.
– Il a raison, dit lord Huntinglen ; notre jeune ami fait bien de s’en reposer sur vous et sur moi. Il n’a pas mal placé sa confiance.
Maître George regarda quelques instans les deux jeunes gens, qui se promenaient déjà dans les allées du jardin, en se tenant par le bras. – Sans doute, dit-il enfin, j’ose dire, comme Votre Seigneurie, qu’il n’a pas mal placé sa confiance ; et cependant il n’est pas dans le bon chemin. Il convient que chacun se mette au fait de ses affaires, quand il en a qui méritent qu’on y fasse attention.
Après cette réflexion, il expliqua à l’écrivain, en présence du comte, de quelle manière il fallait rédiger un acte qui, en donnant toute sûreté à ceux qui devaient avancer l’argent, conserverait au jeune lord le droit de racheter le patrimoine de sa famille quand il aurait obtenu les moyens de le faire par le remboursement qu’il devait recevoir de la trésorerie d’Écosse, ou de quelque autre manière que ce fût. Il est inutile d’entrer dans ces détails, mais il ne l’est pas de faire observer, comme trait de caractère, qu’Heriot prouva par la discussion la plus minutieuse sur toutes les questions de droit, combien l’expérience lui avait appris à connaître même les détours les plus compliqués de la jurisprudence écossaise ; et que le comte d’Huntinglen, quoique plus étranger aux détails techniques, ne souffrit pas qu’on avançât d’un seul pas dans cette affaire sans s’en être fait expliquer le but, pour avoir une idée générale, mais bien distincte, de la signification et de l’utilité de chaque formule.
Ils furent admirablement secondés dans leurs bonnes intentions à l’égard du jeune lord Glenvarloch, par le talent et le zèle du scribe qu’Heriot avait fait venir pour cette affaire, la plus considérable qu’André eût jamais traitée de sa vie, et qu’il avait à discuter avec des personnages non moins importans qu’un comte et un homme qui, par sa fortune et sa réputation, pouvait devenir alderman de son quartier, et peut-être ensuite lord-maire à son tour. Cette discussion les occupait tellement, que le bon lord d’Huntinglen, en oubliant son appétit et le délai qu’on mettait à lui servir son dîner, ne pensa qu’à veiller à ce que tout fût dûment pesé et considéré, – afin que l’écrivain reçût toutes les instructions qui pouvaient lui être nécessaires avant de commencer à rédiger les actes qu’on lui demandait.
Pendant ce temps, les deux jeunes gens se promenaient sur une terrasse qui dominait sur la Tamise, et causaient des objets que lord Dalgarno, le plus âgé et celui qui connaissait le mieux le monde, jugeait le plus propres à intéresser son nouvel ami. Leur conversation roula, comme cela était assez naturel, sur les plaisirs qu’on goûtait à la cour ; et le fils du comte se montra fort étonné de ce que son jeune ami se proposait de retourner sur-le-champ en Écosse.
– Vous vous moquez de moi ! s’écria-t-il. Pourquoi vous le cacherais-je ! Il n’est bruit à la cour que du succès extraordinaire de votre demande, en dépit des intérêts contraires de l’astre dont l’influence règne sur l’horizon de Whitehall. On ne pense qu’à vous, on ne parle que de vous ; tous les yeux sont fixés sur vous ; chacun se demande qui est ce jeune lord écossais qui a été si loin en un seul jour. On cherche tout bas à deviner jusqu’où vous pousserez votre fortune. – Et tous vos projets se bornent à retourner en Écosse, pour manger des gâteaux de farine
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