Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
répond le génie de la traque, il faut repérer l’animal afin d’étudier son comportement, déceler ses habitudes. Le combat viendra dans un deuxième temps !
— Mais comment allez-vous faire pour le trouver ? insiste un autre journaliste qui prend peut-être Saint-Hubert pour un Tartarin parisien.
Saint-Hubert se tourne alors en souriant à Caponi, qui sourit aussi, flatté de cette toute nouvelle complicité avec le célèbre et vaillant chasseur.
— En prenant tout simplement de la hauteur ! lance Saint-Hubert, d’un ton définitif.
Et il lève lentement la tête, les yeux tournés vers le ciel. Tous les journalistes suivent son regard :
La tour Eiffel se dresse, majestueux assemblage de ferraille boulonnée, avec ses trois étages et ses trois cent dix-sept mètres fièrement élancés vers le ciel de Paris.
À la même seconde, dans un couloir sinistre de la prison de la santé, un chariot de nourriture avance et passe une grille de protection qui s’ouvre sur une coursive bordée de cellules. La grosse cuisinière à l’imposante poitrine qui pousse ce chariot n’est autre qu’Adèle Blanc-Sec, déguisée en matrone des fourneaux.
Un gardien aussi rondouillard qu’elle lui sourit en refermant la grille derrière elle.
— Qu’est-ce qu’il y a de bon à manger aujourd’hui ? demande le gros.
— Du pigeon, répond Adèle en déguisant sa voix.
Le gardien fait une grimace dégoûtée.
Au premier étage de la tour Eiffel, quelques pigeons trottinent justement sur la rambarde et Caponi les chasse d’un revers de main. Les volatiles s’envolent au-dessus de la ville dans un froissement d’ailes. Sourd à ce bruit, Saint-Hubert tient de grosses jumelles et, accoudé à la rambarde, il observe les toits de Paris avec l’attention soutenue et l’acuité du grand chasseur qu’il est.
Avec un toussotement, l’inspecteur adjoint Bertrand arrive dans leurs dos. Il apporte un sandwich à son chef, qui se régale d’avance en contemplant la forme épaisse et longue du torchon qui emballe l’objet de ses désirs.
— Ah, merci, Bertrand, vous me sauvez la vie, fait Caponi avec un soupir de soulagement.
Ce pauvre inspecteur n’a rien avalé depuis le petit-déjeuner, et pour un gros mangeur comme lui, le vide stomacal est une sensation plus que désagréable qui nuit totalement à son bon fonctionnement, mental aussi bien que physique.
— … il n’est pas loin, murmure Saint-Hubert, je le sens.
— Tant mieux, répond Caponi en ouvrant son torchon.
Il découvre effectivement un magnifique sandwich au pâté.
Mais Saint-Hubert a raison, et s’il n’avait pas les yeux rivés à ses jumelles, il apercevrait l’ombre de l’animal millénaire qui le survole. Le ptérodactyle est très haut. Il entend toujours cette voix mystérieuse qui lui enjoint de ne pas s’attaquer aux humains. Le reptile ne comprend pas bien, mais il semble obéir, puisqu’on n’a plus fait état d’aucun mort depuis quelques semaines. Il pique doucement vers le merveilleux perchoir que constitue le haut de la Tour Eiffel vers lequel Caponi lève justement les yeux… et l’aperçoit !
Juste au moment où l’inspecteur allait croquer dans son sandwich au pâté ! Il n’arrive pas à parler. Il parvient juste à tendre un doigt vers le ciel en balbutiant :
— Le Pero… le Tepro… Le Trapo…
Dans un sifflement aérien lointain, le ptérodactyle achève son piqué par une courbe gracieuse, passe juste au-dessus d’eux et largue un excrément, qui tombe directement sur…
Une écuelle tendue dans le couloir de la Santé. Une main dépose une louche de bouillie dans cette assiette de fer. Dans son nouveau rôle de grosse et avenante cuisinière en blouse bleue, Adèle Blanc-Sec a la louche généreuse. Elle ressent une indéfectible compassion pour ces détenus, même si tous ne sont pas des anges, loin de là. Elle regarde le couloir où elle pousse sa cantine à roulette.
Elle n’est plus qu’à quelques cellules de celle d’Espérandieu, la 28. La porte de la 24 est ouverte et un nouveau détenu maigre comme un clou manque lâcher son écuelle sous la masse de bouillasse qu’Adèle vient de lui servir. Le prisonnier regarde le tas informe qui fume dans son assiette d’un air dégoûté.
— Et… c’est quoi exactement ? demande-t-il.
— C’est du mouton, dit Saint-Hubert comme en réponse à la question du prisonnier dans le
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