Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
épuisé.
— Auriez-vous l’amabilité de passer un peu plus tard, Mademoiselle Adèle ? dit-il. Je suis vraiment fatigué, là…
Et Espérandieu se retourne sur sa couche, côté mur, et poursuit sa nuit.
Adèle reste interloquée, figée dans son élan. Elle avait tout prévu, sauf ça !
— C’est la meilleure, celle-là, murmure-t-elle, ébahie.
Et le soir est tombé sur la forêt de Vincennes. Les arbres se découpent sur un ciel bleu nuit. Un gardien aux allures de vieux militaire accompagne Saint-Hubert, Caponi et ses hommes, qui déambulent avec des torches au milieu des pavillons et des enclos.
— Sept mouflons du Jura, énumère le gardien, quatre Chamois de la Vanoise, quinze brebis du Larzac et… (il compte en pointant l’index vers des ombres indistinctes) trois, cinq, six biquettes du Poitou ! le compte est bon ! Personne ne manque à l’appel !
Caponi regarde le gardien, impressionné.
— Euh, merci, caporal, dit-il.
— Bien ! Il ne nous reste plus que le jardin des Plantes ! dit Saint-Hubert. L’étau se resserre ! Nous donnerons l’assaut demain matin aux premières lueurs du soleil !
Les premières lueurs de l’aube se pointent entre les nuages qui s’étalent en altitude. Dans la prison de la santé, une grande horloge affiche 5 h 59, puis la grande aiguille vient bruyamment annoncer 6 heures. Un gardien somnole sur son siège, devant la grille.
Un autre gardien, bien dodu, arrive et tape sur les barreaux avec ses clés.
— Relève ! fait le gardien dodu, qui roule les « R » avec un fort accent du Sud-Ouest.
Le maton assoupi se redresse un peu, effectivement, puis il s’étire.
— C’est pas de refus ! dit-il en bâillant.
Et, à moitié endormi, il se lève et s’éloigne en traînant les pieds.
— Allez, bon courage, ajoute-t-il avant de disparaître au coin du couloir.
— Merci, répond le gardien dodu.
Dès que le bruit des pas de son collègue s’est estompé dans le silence de la prison, le gardien qui l’a relevé ouvre la grille avec sa clé. Dans son uniforme bien serré, Adèle Blanc-Sec est méconnaissable avec son gros ventre et son épaisse moustache.
Elle s’avance en silence dans les couloirs déserts et arrive enfin devant la cellule 28. Elle cherche la bonne clef dans son trousseau, puis ouvre la porte avec précautions, essayant de faire le moins de bruit possible.
Elle pénètre dans la cellule d’Espérandieu.
— Bon, allez, dit-elle en chuchotant, j’espère que vous avez bien dormi, parce que là, il faut vraiment y aller !
Surpris, le prisonnier se redresse sur sa couche. Il se retourne vers elle. Mais horreur ! Ce n’est pas le Professeur Espérandieu ! Adèle s’arrête net. Elle enlève sa fausse moustache.
— Mais qu’est-ce que vous faites là, vous ?
— Oh, répond le détenu, croyez-moi, j’ai pas choisi…
— Mais où est le Professeur ? !
— Ils l’ont transféré dans la nuit. Ils font toujours ça la veille de l’exécution.
— La veille ? fait Adèle, et une ombre passe, comme un reflet affreux dans ses yeux incrédules.
— Oui, dit le prisonnier. Il sera guillotiné demain à l’aube.
Tous les projets d’Adèle s’effondrent, juste au moment où elle avait enfin réussi. Elle baisse la tête, accusant ce coup terrible.
— … C’est pas possible… murmure-t-elle, abasourdie.
— Oh, malheureusement si, dit le détenu… À moins qu’il ne soit gracié.
Notre héroïne relève la tête d’un seul coup. Ses yeux s’éclairent.
— Gracié ?
— Oui, soupire le prisonnier devant tant de naïveté, l’air de dire que cette éventualité est tout à fait improbable. Mais enfin, c’est la loi…
— Tenez, dit Adèle au détenu en lui tendant son trousseau de clefs, je vous offre la mienne, de grâce !
Et elle part en courant dans le couloir, laissant le détenu complètement stupéfait, les clefs de sa liberté à la main.
Et pour une fois, la porte de Santé s’ouvre sans qu’Adèle Blanc-Sec ne soit jetée dehors. Elle se faufile dans la rue et, toujours déguisée en gardien dodu, elle part en courant dans les premières lueurs de l’aube.
Chapitre 20
Où même les personnages les plus haut placés
sont parfois menacés jusque dans leurs palais,
nous rappelant au passage qu’on est toujours
prisonnier de quelque chose…
S ous un pâle soleil de printemps, le Palais de l’Élysée est d’un calme tout
Weitere Kostenlose Bücher