Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
couloir de la Santé. Voilà ce que c’est !
Le ton est formel et définitif. Au premier étage de la Tour Eiffel, armé d’une paille, Saint-Hubert a pris un échantillon de la bouse que le ptérodactyle a lâché, et qui a atterri juste sur la tête du malheureux inspecteur Caponi, obligé de conserver cet horrible et odorant couvre-chef, le temps que l’expert l’analyse.
— Vraiment ? fait l’inspecteur avec son dégoûtant chapeau de crotte de saurien volant.
— Affirmatif à 100 % ! Vous pouvez me faire confiance, je m’y connais en bouses ! C’est le meilleur moyen de traquer un animal ! cela nous renseigne sur ses habitudes ! Nous progressons, Caponi, nous progressons !
— Tant mieux, murmure le policier, la mine défaite.
Sa seule minuscule victoire, c’est qu’il est le seul à avoir vu, encore une fois, ce prédateur, au grand dam de Saint-Hubert, qui en a pâli de jalousie, au point de devenir blanc comme sa saharienne immaculée. Mais en réalité, l’inspecteur aurait préféré ne pas le revoir, ne pas revoir cet œil terrible, juste avant qu’il ne remonte se perdre dans les nuages. Ah, ce regard… Et la peur, comme toute émotion, ça lui donne faim, à Caponi.
Dans le couloir de la santé, Espérandieu tend machinalement son écuelle, debout dans l’entrebâillement de la porte de sa cellule 28. Le pauvre Professeur est visiblement épuisé, physiquement et moralement. On le serait à moins. La grosse cuisinière qui pousse sa cantine à roulette lui sert une portion de l’infâme brouet, ordinaire quotidien des détenus… et de cette bouillie peu ragoûtante dépasse un trousseau de clés !
— Au fond de l’assiette, chuchote Adèle, il y a un insigne ! Vous vous appelez Armand Petit-Blanchard, et vous êtes chef cuisinier !
Mais Espérandieu la regarde sans comprendre, l’air complètement perdu.
— Armand comment ? dit-il…
Il n’a pas reconnu Adèle.
Mais les deux gardiens du poste d’entrée de la prison, eux, ne vont pas tarder à la reconnaître, car ils sont justement face au chef cuisinier Petit-Blanchard qui s’époumone :
— Petit-Blanchard, je vous dis ! J’ai laissé mon insigne dans mon casier comme tous les soirs, et ce matin il y était plus !
Les deux gardes se regardent d’un air entendu.
Et quelques minutes plus tard, Adèle Blanc-Sec est jetée dehors sans ménagement. On lui balance même son tablier et les coussins qui lui servaient d’embonpoint.
Une fois de plus confrontée aux murs noirs de cette funeste prison, Adèle s’époussette et soupire à nouveau :
— Bon ! Il me faut un meilleur plan !
C’est précisément un plan de Paris que Saint-Hubert déplie et installe sur une table du bar de la Tour Eiffel quelques instants plus tard. Caponi finit de s’essuyer avec une serviette, et vérifie à coups de petits reniflements qu’il ne sent pas trop la bouse de ptérodactyle.
Saint-Hubert se penche sur la carte avec l’œil acéré d’un aigle cherchant à repérer sa proie dans le paysage qu’il surplombe.
Une jeune et jolie serveuse, bien souriante, arrive portant un petit plateau. Elle pose un café devant Caponi qui la regarde d’un air très déçu. Il avait commandé un sandwich, l’autre ayant été malheureusement victime de dommage collatéraux quand le monstre volant a lâché sa bouse. La serveuse lui fait un petit sourire navré et s’en va. Saint-Hubert se redresse subitement.
— Bon, Caponi ! dit-il, interrompant le geste de l’inspecteur.
Contraint à écouter le vaillant chasseur, Caponi reste la main en équilibre au-dessus de son café – piètre consolation pour son ventre affamé.
— Corrigez-moi, si je me trompe, reprend Saint-Hubert : il y a trois endroits où notre animal peut se procurer des moutons : les pâturages de Montmartre au Nord, l’exposition coloniale de Vincennes à l’Est, et le Jardin des Plantes !
Caponi regarde le plan.
— Effectivement, concède-t-il.
— Alors, en route ! lance Saint-Hubert.
Et le chasseur tout vêtu de blanc s’envoie le café de Caponi d’une seule traite. L’inspecteur tire une tête de six pieds de long mais n’ose rien dire, tandis que l’expert en grands fauves part au pas de course vers l’ascenseur de la Tour Eiffel.
— Et à la grâce de Dieu ! conclut Saint-Hubert.
— Merci mon fils, dit une bonne sœur en cornette quand s’ouvre la porte qui
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