Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
donne sur le couloir des détenus de la Santé.
Un jeune gardien laisse passer cette fausse bonne sœur (on aura bien évidemment reconnu Adèle Blanc-Sec, jamais à court d’idées, même si ses convictions personnelles sont assez loin des ordres religieux).
— Par ici, ma sœur, dit le jeune employé de l’administration pénitentiaire.
Adèle le suit, baissant la tête, mais au premier croisement, elle disparaît sur sa gauche, laissant le jeune gardien continuer tout droit, et tout seul.
Cette jolie religieuse se fait siffler en passant sur la coursive. Certains détenus ricanent, ou crient même « à la mine ! ». Probablement des anarchistes. Adèle garde la tête basse et les mains serrées sur son rosaire, jusqu’à ce qu’elle arrive devant la cellule 28.
Elle sort discrètement un trousseau de clé de sous ses robes et s’approche du judas ouvert.
— Dépêchez-vous, on s’en va, chuchote-t-elle à travers le judas.
Elle trouve la bonne clé et ouvre la porte qui…
… la mène droit dans la rue, jetée dehors une nouvelle fois par les gardiens, et sans ménagement, sur le pavé, devant les hauts murs de la Santé.
Elle soupire, puis se relève d’un air décidé et s’éloigne dans la rue de la Santé en murmurant, pour elle-même :
— C’est quand un combat semble perdu qu’il devient excitant ! Haut les cœurs.
Chapitre 19
Où cette même journée tourne à la folie,
jusqu’à l’aube du lendemain
pour amorcer un ultime compte à rebours…
S ur la butte Montmartre, quelques moulins à vent surplombent encore Paris, luttant tant bien que mal contre la présence encombrante du Sacré-Cœur, montagne de pierre si blanche qu’on dirait du saindoux. Mais là, la pierre est presque rouge, sous le soleil couchant, avec des reflets de sang, comme pour rappeler que ce monument expiatoire grotesque semble avoir été élevé pour effacer le souvenir des massacrés de Monsieur Thiers, lors de la Commune de 1871.
Dans un champ en pente, des moutons paissent dans un de ces îlots de verdure qui vont bientôt disparaître de la capitale. Saint-Hubert est au-dessus, caché derrière une barrière, l’œil dans la lunette de son impressionnant fusil de chasse dernier modèle. Il vise les paisibles animaux, passant de l’un à l’autre, en imitant doucement le bruit d’une détonation avec sa bouche.
— Pan… Pan…
C’est d’un ridicule consommé et Saint-Hubert ne voit pas venir Caponi, qui était un peu plus loin, en train de discuter avec le fermier propriétaire du champ et des moutons. Caponi a bien essayé de négocier un demi jambonneau, ou une belle tranche de pâté, mais le fermier, qui n’a jamais beaucoup aimé la police, s’est contenté de répondre aux questions que l’inspecteur lui posait.
Caponi interrompt la rêverie meurtrière de Saint-Hubert.
— Le fermier est affirmatif, dit-il. Il a compté ses moutons deux fois. Il ne lui en manque aucun.
— Parfait, lance Saint-Hubert. À Vincennes !
Il se redresse brusquement, déclenchant un coup de feu accidentel. Un pauvre mouton en fait les frais. Il s’écroule dans l’herbe, fauché net.
Saint-Hubert est confus.
— Oh ! Je suis désolé ! Le coup est parti tout seul !
Le fermier est furibard. Caponi appelle son adjoint :
— Bertrand ! Allez me chercher un vétérinaire !
C’est une infirmière qui se présente devant la grille du couloir de la Santé. C’est Adèle, qui a réussi, une fois de plus à s’introduire dans cette prison réputée inviolable. Et elle tient une seringue à la main.
— Cellule 28, dit-elle, d’un ton professionnel. C’est pour sa piqûre.
Le maton de service ouvre la grille et laisse passer Adèle, qui aussitôt entrée pique le maton aux fesses. L’homme titube, interloqué, sort son sifflet pour donner l’alerte, mais s’écroule dans le couloir sans avoir pu alerter quiconque.
Adèle se penche sur lui pour vérifier qu’il va bien. Le type ronfle comme un sonneur, son sifflet dans la bouche.
Elle le lui enlève, pour que ses ronflements ne déclenchent pas l’alarme.
— Désolée, dit-elle.
Puis elle fonce dans le couloir et s’arrête face à la cellule d’Espérandieu qui dort paisiblement.
— Professeur ? chuchote Adèle, réveillez-vous ! C’est l’heure !
Le Professeur ouvre péniblement un œil. Il aperçoit Adèle déguisée en infirmière. Il soupire, visiblement
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