Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
de quelques arbustes maigrelets et de quelques énormes troncs et branches d’arbres dénudés. À bout de souffle, il s’arrête. Il se retourne. Il est perdu. Ménard s’est arrêté derrière la grille, face à lui, et il a passé la gueule du fusil à travers le grillage.
Est-ce à cause de la perte irrémédiable du trésor scientifique que représentait le ptérodactyle ? Ou à cause d’une simple aversion, changée en haine virulente, pour la bêtise crasse de ce chasseur de fauves déguisé en mouton ? Toujours est-il que Ménard semble avoir largement dépassé les limites de la raison. Ses yeux étincellent d’une folie meurtrière incontrôlable.
— Peut-être préfères-tu avoir ton trophée au-dessus de ma cheminée ? dit-il d’un ton qui ne présage rien de bon. Ce serait un tel honneur pour toi, n’est-ce pas ?
— Pitié, je vous en supplie ! dit Saint-Hubert, exténué et tremblant de terreur.
— Souriez ! fait Ménard comme s’il allait le prendre en photo !
Saint-Hubert ferme les yeux. Sa brillante carrière de chasseur de fauves va s’achever là, dans cet enclos où il va se faire tirer comme un vulgaire lapin terrorisé. Un mouton, plus exactement…
Ménard vise avec application, un sourire de dément aux lèvres. Il appuie sur la détente.
CLIC.
Il n’a plus de cartouches !
Saint-Hubert rouvre les yeux et porte une main à son cœur. Il n’est pas mort ! Mais il n’est pas loin de la crise cardiaque. Il est plus pâle que sa peau de mouton ou son costume colonial immaculé, mais pas mal sali par les péripéties de cette aube funeste. Son expression change soudain, et pas seulement parce que Ménard est l’image de la déception totale, tenant son fusil inutile de l’autre côté du grillage. Non. Saint-Hubert vient d’apercevoir Caponi qui arrive avec ses hommes derrière Ménard et l’inspecteur – que Saint-Hubert pourrait embrasser, là, maintenant, s’il était du bon côté des grilles – braque son gros revolver dans le dos de Ménard.
— Personne ne bouge ! crie Caponi.
Ménard soupire et se retourne, et il semble un peu calmé, même si une inquiétante lueur illumine encore son regard.
— Voilà bien des méthodes policières, dit-il d’un ton très professoral. Crier « personne ne bouge » à une personne seule ! ne pensez-vous pas que « ne bougez pas » aurait été plus approprié ?
Le policier est légèrement décontenancé.
— Euh… les mains en l’air ! dit-il, pas très rassuré car Ménard tient toujours le dangereux fusil de Saint-Hubert.
Les hommes de Caponi restent prudemment à distance.
— De toute façon, lâche Ménard dans un soupir, vous ne craignez rien : Je n’ai plus de munitions !
— Jetez votre arme ! ordonne alors l’inspecteur, reprenant du poil de la bête.
— Hooo, fait Ménard, vous m’avez l’air d’un beau spécimen, vous aussi !
— Neutralisez cet homme et embarquez-le, crie Caponi à ses hommes.
Les poulets s’approchent, convergeant vers le Professeur. Puis ils se jettent tous sur lui et l’emmènent sans ménagement.
Derrière les grilles, Saint-Hubert s’assoit sur un faux rocher et enlève son casque colonial en soupirant. Il a les cheveux collés de transpiration et le souffle court.
— Pfffft ! Eh bien, j’ai eu chaud aux fesses !
Caponi le regarde, un peu inquiet.
— Ne… ne bougez pas, dit l’inspecteur à voix basse, je… je vais chercher du renfort.
— Prenez votre temps, répond Saint Hubert, soulagé.
Et le policier part en courant.
Saint Hubert s’évente avec son casque. Il n’a pas encore réalisé que, pour échapper aux projectiles de Ménard, il a escaladé les grilles renforcées de l’enclos réservé aux gorilles. Deux énormes bêtes l’observent, en haut des faux rochers.
Mais Saint Hubert finit tout de même par sentir quelque chose. Il hume l’air ambiant, le nez levé, et se retourne.
Son regard croise celui des deux gorilles. Ils semblent bien excités par cette nouvelle jeune guenon en short blanc. Ils commencent à se rapprocher, roulant leurs énormes épaules.
— Oh non, murmure Saint Hubert qui anticipe la suite des événements…
Pendant ce temps, Adèle et Espérandieu ont atteint la sortie du Jardin des Plantes. Adèle soutient le Professeur, de plus en plus pâle, et sa chemise rouge de sang ne lui dit rien qui vaille. De l’autre main, elle hèle un taxi providentiel, qui s’arrête.
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