Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film

la troisième, vous êtes chirurgien ?
    La momie hausse les épaules.
    Adèle soupire et arrête ses investigations tandis que Patmosis réveille le reste de sa « famille », passant d’un côté à l’autre du large hall qui se retrouve bientôt envahi d’une vingtaine de momies, dans un fin nuage de poussière millénaire, dont les infimes grains luisent et papillonnent dans les auras orangées des veilleuses du musée.
    Les momies palabrent en murmurant dans une langue perdue, se demandant un peu où elles sont, mais dès qu’elles aperçoivent la tombe de Ramsès II, au bout de la pièce, elles se dirigent vers lui.
    Reprenant les poignées du fauteuil d’Agathe, Adèle suit cette procession de cadavres vivants qui avancent lentement, en se disant qu’elle ne rêve pas, que cette vision effrayante est bien réelle et que si Patmosis n’était pas là, elle aurait sans doute une attaque cardiaque. Et pourtant, elle n’a pas peur de grand-chose. Mais là, elle sent son cœur battre comme si 5 000 ans d’histoire, de savoir et d’une terrifiante puissance oubliée appuyaient sur sa cage thoracique pour l’étouffer.
    Adèle avance ainsi jusqu’au tombeau tandis que toutes les momies se placent autour.
    Patmosis soulève le premier couvercle en pierre. Adèle sent toutes les momies frémir autour d’elle. Ces morts-vivants, ressuscités par l’énergie d’Espérandieu ! Tout de même, quel dommage que le vieux savant ne soit plus de ce monde pour voir son œuvre !
    Patmosis soulève le second couvercle, en or celui-là, puis le troisième…
    — Y’en a combien comme ça ? demande Adèle, étonnée elle-même du son de sa voix rompant le silence religieux qui s’est abattu dans cette salle qui ressemble de plus en plus à une crypte funéraire où les morts se remettraient à vivre…
    Une momie se penche alors vers Adèle pour lui répondre :
    — Cinq ! Cinq sarcophages pour le protéger des cinq univers qui nous entourent.
    — Ah ? fait Adèle, avec un petit air narquois qu’elle adopte pour ne pas devenir folle. Comme les oignons ?
    — Si vous voulez, lui répond la momie.
    Et la momie lui sourit. Et c’est encore plus affreux à voir. De sa bouche quelque peu édentée jaillit un minuscule nuage de poussière. Mais Adèle ne bronche pas. Elle sent sa peur refluer devant une scène si proche de l’impossible… car Patmosis vient d’enlever le couvercle et la momie du grand pharaon se redresse, et s’étire en bâillant, comme n’importe quel être humain sortant d’un long sommeil.
    — Ahhh ! fait Ramsès II… j’ai bien dormi !
    Puis les yeux du grand roi, fils du Dieu soleil, tombent sur Patmosis, penché sur son tombeau.
    — Patmosis, dit le Pharaon, quel est cet accoutrement ridicule ?
    — Une simple tenue locale, majesté, répond le physicien pour excuser son costume trois pièces. Permettez-moi de vous présenter Mademoiselle Adèle Blanc-Sec, scribe de son état…
    Retrouvant peu à peu toute son assurance, même face à l’héritier, et le géniteur également d’une dynastie de plusieurs milliers d’années, Adèle lève la main comme on le ferait envers un autochtone en débarquant sur une terre inconnue.
    — Salut, dit-elle.
    Ramsès II, un peu vexé, regarde Patmosis.
    — Ces indigènes emploient des femmes pour écrire leurs textes ?
    — Oui, répond le physicien égyptien momifié, c’est une civilisation balbutiante, encore un peu rude, mais cette jeune étrangère est fort sympathique, c’est elle qui a eu la bonne idée de nous réveiller, votre Altesse.
    — Bonne idée, bonne idée… fait le pharaon d’un air sceptique. J’ai pourtant bien le sentiment de m’être réveillé un peu tôt ! Sémotep, lance-t-il en direction du groupe de momies qui l’entourent.
    La momie nommée Sémotep s’avance avec respect.
    — Effectivement, votre Altesse, votre cycle a été interrompu. Votre réveil, programmé selon vos désirs, n’aurait dû intervenir que dans 135 ans, 4 mois, 2 jours et 17 heures.
    — Ah tu vois ! proteste le pharaon en se tournant vers Patmosis.
    Adèle s’éclaircit la voix et s’avance.
    — Désolée de vous avoir réveillé, votre… Altesse, mais je n’avais pas le choix… C’est une question de vie ou de mort !
    — Oh, vous savez, dit le pharaon avec un petit soupir de lassitude, la vie, la mort… ça va, ça vient…
    — Eh bien, réplique Adèle, dans le cas de ma sœur ici