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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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les
signifient, mais les sons ne sont pas les concepts. Les mots ont des sons
différents en grec et en latin mais les concepts n’appartiennent ni au
grec ni au latin ni à une autre langue. J’ai vu des lignes dessinées aussi
fines que des fils d’araignée. Mais le concept de ligne est autre chose
encore. Cela n’a rien à voir avec les représentations des lignes que j’ai
pu voir physiquement avec mon œil. Reconnaître un concept, c’est le
reconnaître intérieurement, sans passer par la pensée d’un objet physique quelconque. J’ai également fait l’expérience sensible du calcul des
choses par les nombres. Mais les nombres par lesquels nous calculons
sont différents des choses nombrées. Ils ne sont pas les simples images
des choses. Ils existent par eux-mêmes. Si quelqu’un ne les voit pas et
en rit, je le plains.
    20.
    Ma mémoire retient tout cela. Ma mémoire retient de quelle manière
je l’ai appris. Et ma mémoire retient aussi les fausses réfutations que j’ai
pu entendre. Mais même si elles sont fausses, le fait de m’en souvenir,
lui, n’est pas faux. J’ai distingué le vrai du faux qu’on lui oppose, et je
m’en souviens aussi. Mais constater maintenant que je les distingue est
différent de me souvenir que je les ai souvent distinguées en y réfléchissant souvent. Je me souviens de les avoir souvent comprises. Et maintenant, je cache dans la mémoire l’action de les distinguer et celle de les
comprendre. Plus tard, je me souviendrai de les avoir alors comprises.Donc, je me souviens de m’être souvenu. Et plus tard, si je me rappelle
cette réminiscence, je m’en rappellerai grâce à la force de la mémoire.
    21.
    La même mémoire contient aussi les affects de mon âme. Non pas
comme l’âme elle-même quand elle les a éprouvés, mais de façon très
différente selon la puissance propre à la mémoire. Je me souviens de ma
joie sans éprouver de joie. Je me rappelle ma tristesse d’autrefois sans
être triste. Et je me souviens d’avoir eu peur, parfois, sans avoir peur.
Mémoire sans désir d’anciens désirs. Et parfois, au contraire, je me souviens avec joie de ma tristesse passée ou avec tristesse de ma joie passée.
Rien de surprenant s’il s’agit du corps. Autre est l’esprit, autre est le
corps. Et me souvenir avec plaisir d’une douleur physique passée n’a
rien de surprenant. Mais dans ce cas, l’esprit est mémoire. En effet,
quand nous confions quelque chose à la mémoire, nous disons : attention, garde ça à l’esprit. Ou s’agissant d’un oubli, nous disons : je ne l’ai
pas à l’esprit. Ou encore : ça m’est sorti de l’esprit. Nous appelons donc
esprit la mémoire. Mais alors pourquoi, quand je me souviens avec joie
de ma tristesse passée, j’ai la joie à l’esprit et la tristesse en mémoire ? et
pourquoi l’esprit possède avec joie la joie alors que la mémoire n’est
pas triste de contenir la tristesse ? La mémoire n’aurait rien à voir avec
l’esprit. Mais qui pourrait l’affirmer ? La mémoire est peut-être comme le
ventre de l’esprit, dans lequel la joie et la tristesse sont un aliment doux
et amer. Un aliment qui, une fois passé dans le ventre, s’y retrouve, et
peut ne plus avoir de goût. Comparaison ridicule mais pas tant que ça !
    22.
    C’est de la mémoire que je tire l’idée qu’il y a quatre troubles possibles de l’esprit : le désir, la joie, la peur et la tristesse. Et je puise dans la
mémoire, je trouve dans la mémoire ce qu’il faut dire à leur propos : divisions en espèces particulières, le genre de chacun, leurs définitions. Et
pourtant pas un de ces troubles ne me trouble quand me revient leur souvenir. Parce qu’avant de me les rappeler et de m’en servir, ils étaient déjà
là. Sinon, on ne pourrait pas les retrouver par le souvenir. Souvenir qui
ferait peut-être remonter ces troubles de la mémoire comme un aliment
remonte dans le ventre pendant la digestion. Mais alors, si discuter c’estse ressouvenir, pourquoi n’y aurait-il pas dans la bouche de la pensée le
goût très doux de la joie ou celui amer de la tristesse ? Non, la ressemblance s’arrêterait là en comparant deux réalités trop dissemblables. Oui,
qui voudrait encore en parler, si chaque fois que nous prononçons les
mots tristesse ou peur, nous devions chaque fois nous attrister ou avoir
peur ? Pourtant nous n’en parlerions pas sans trouver dans notre
mémoire non seulement les

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