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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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sons des mots à partir des images imprimées
par l’expérience sensible, mais aussi les notions des choses elles-mêmes
qui ne sont passées par aucune porte de notre corps. L’esprit lui-même a
fait l’expérience de ses propres passions. Il les aura confiées à la mémoire,
et même sans cela, la mémoire les aura conservées.
    23.
    Mais qui saurait dire facilement si les images sont en jeu ou pas ?
Quand je prononce le mot pierre, le mot soleil, alors que les objets eux-mêmes ne sont pas présents à mes sens, j’ai bien en mémoire leurs
images à ma disposition. Je prononce le mot douleur : tant que je ne
souffre pas, elle n’est pas présente en moi. Mais si son image n’était pas
présente dans ma mémoire, je ne saurais pas ce que je dis. Et dans la
conversation, je ne pourrais pas la distinguer du plaisir. Je prononce le
mot santé, je suis en bonne forme, j’ai la chose même en moi. Mais si
son image ne s’était pas trouvée dans ma mémoire, je n’aurais pas pu me
rappeler ce que le son de ce mot signifiait. Les malades ne reconnaîtraient pas non plus dans le mot santé ce qu’on a voulu dire si la puissance de leur mémoire ne conservait pas l’image qui y est attachée, alors
que la chose même est absente de leur corps. Je prononce les nombres
avec lesquels nous énumérons, ce ne sont pas leurs images qui sont dans
ma mémoire mais les nombres eux-mêmes. Et si je prononce les mots
« image du soleil », l’image est là dans ma mémoire. Je ne me rappelle
pas l’image de son image mais l’image elle-même. Dont je dispose par
ma réminiscence. Je prononce le mot mémoire et je reconnais le mot.
D’où vient ma reconnaissance sinon de la mémoire elle-même ? La
mémoire ne serait donc pas présente à elle-même directement mais par
l’intermédiaire de sa propre image.
    24.
    Mais quand je prononce le mot oubli, et que je reconnais ainsi ce que
je nomme, d’où viendrait cette reconnaissance si je ne me souvenais pas,je ne parle même pas du son du mot lui-même, mais de la chose qu’il
signifie ? Si je l’avais oubliée, le son et ce qu’il signifie ne me diraient
rien. Quand je me souviens de la mémoire, la mémoire elle-même est
présente à elle-même par elle-même. Quand je me souviens de l’oubli,
mémoire et oubli sont présents : par la mémoire je me souviens et de
l’oubli je me souviens. Mais qu’est-ce que l’oubli sinon une privation de
mémoire ? Comment peut-il être présent à mon souvenir puisque
quand il est présent je n’ai pas de souvenir ? Nous retenons par la
mémoire l’objet de notre souvenir. Mais sans ce souvenir de l’oubli,
nous ne pourrions jamais reconnaître ce que le mot oubli signifie quand
nous l’entendons. La mémoire retient donc l’oubli. Nous n’oublions
pas sa présence, mais s’il est présent nous oublions. Ou devons-nous
comprendre que, quand nous nous souvenons de l’oubli, ce n’est pas
lui-même qui est à l’intérieur de la mémoire mais uniquement son
image ? Parce que si c’est l’oubli qui était présent, il nous ferait oublier
et non nous souvenir.
    Mais enfin qui se mettra en quête de comprendre ce qu’il en est ?
    25.
    Oui, Seigneur, je travaille dessus, je travaille sur moi-même. Je suis
pour moi-même une terre d’embarras, de suées terribles. Et encore, il
ne s’agit pas de vouloir percer les secrets des régions célestes, ni de
mesurer les distances sidérales, ni d’enquêter sur l’équilibre de la terre.
Mais le sujet qui se souvient, c’est moi, moi l’esprit. Rien d’étonnant à
ce que tout ce qui n’est pas moi soit loin de moi. Et quoi de plus proche
de moi que moi-même ? Mais voilà, je ne comprends pas la force de ma
mémoire, et je ne peux rien dire de moi-même sans elle. Je suis sûr et
certain de me souvenir de l’oubli, mais qu’est-ce que ça veut dire ? que
l’objet de mon souvenir n’est pas dans ma mémoire ? ou que l’oubli est
à l’intérieur de ma mémoire pour que je n’oublie pas ? Deux propositions complètement absurdes. Une troisième possibilité serait de dire
que c’est l’image de l’oubli que retient ma mémoire et non pas l’oubli
lui-même quand je me souviens de lui. Mais comment l’affirmer ? Pour
que l’image d’une chose s’imprime dans la mémoire, il faut nécessairement, au préalable, la présence de la chose elle-même, pour que cetteimage puisse s’imprimer. Je me souviens ainsi de Carthage, de tous

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