Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
remplis, tu le remplis parce que tu le contiens.
Ce ne sont pas ces vases remplis de toi qui te rendent inébranlable.
Ils peuvent bien se briser, tu ne te renverses pas. Et quand tu te renverses sur nous, tu n’es pas tombé pour autant, c’est nous que tu remets
d’aplomb. Tu ne te vides pas, c’est nous que tu recueilles.
Oui, toutes les choses que tu remplis, tu les remplis toutes de toi totalement.
Est-ce que toutes les choses qui ne te contiennent pas totalement
contiennent quand même une partie de toi ? ou toutes les choses
possèdent la même part ensemble ? est-ce que chacune en possède
une partie – les plus grandes une plus grande, les plus petites une plus
petite ? Il y aurait donc des parties de toi plus grandes, et des
plus petites. Serais-tu tout entier partout, et rien ne te contiendrait
totalement ?
4.
Qu’est-ce que c’est que mon Dieu ?
Qu’est-ce que c’est, je le demande, sinon le Seigneur Dieu ?
qui est seigneur excepté le Seigneur
qui est Dieu excepté notre Dieu
Très haut, très bienveillant, très puissant, très tout-puissant, très
miséricordieux et très juste, très rare et très présent, très beau et très
fort, stable et insaisissable, qui ne changes pas, qui changes tout,
jamais neuf, jamais vieux, qui renouvelles tout, qui fais vieillir les
puissants à leur insu, toujours actif, toujours immobile, recueillant
sans besoin, qui supportes et remplis et protèges, qui crées et nourris, accomplis, qui cherches alors que rien ne te manque. Tu aimes
sans t’enflammer, jaloux et sans souci. Tu regrettes sans souffrir, irascible et calme. Tu changes de tâche et non de décision. Tu reprends
ce que tu trouves et que tu n’as jamais perdu. Jamais pauvre, tu
prends plaisir au profit. Jamais avare, tu exiges l’usure. Il t’est tant
donné que tu es en dette. Mais qui a quelque chose qui ne soit pas à
toi ? tu acquittes tes dettes sans rien devoir à personne, tu remets tes
dettes sans rien perdre.
Mais qu’avons-nous dit après ça, mon Dieu, ma vie, ma douceur
sainte ? que peut-on dire en parlant de toi ?
Les malheureux qui ne parlent pas de toi sont des bavards muets.
5.
Qui m’aidera à trouver le repos en toi ? à te faire venir dans mon
cœur, ivre de toi, pour oublier mes malheurs, pour embrasser mon seul
bien – toi.
Qu’est-ce que tu es pour moi ?
Pitié, je veux parler.
Et moi que suis-je pour toi ?
Tu me donnes l’ordre de t’aimer et si je ne le fais pas tu t’emportes
contre moi, et tu me menaces d’immenses malheurs. N’est-ce pas déjà
un grand malheur que de ne pas t’aimer ? pauvre, pauvre de moi.
Aie pitié. Seigneur mon Dieu.
Dis-moi ce que tu es pour moi.
Dis à mon âme : ton salut, c’est moi.
Parle que j’entende. Seigneur.
Vois, mon cœur a pour toi des oreilles. Ouvre-les et dis à mon âme :
ton salut, c’est moi.
Ah. Courir. Te rattraper. Ne me cache pas ton visage. Mourir mais le
voir.
6.
La maison de mon âme est étroite. Si tu dois y entrer, elle se dilate
avec toi.
Une ruine. Répare-la.
Elle a de quoi blesser tes yeux. Je le reconnais. Je sais. Mais qui la nettoiera ? À qui d’autre que toi crier : nettoie-moi de tous mes secrets, Seigneur, et de ceux d’autrui épargne ton esclave ?
Je crois donc je parle.
Seigneur.
Tu le sais, j’ai parlé tout haut contre moi de mes fautes, mon Dieu, et
tu as pardonné le manque de confiance de mon cœur.
Non, je ne te ferais pas un procès, tu es la vérité. Je ne veux pas me
décevoir moi-même. Ma faute serait son propre mensonge. Non, je ne
te ferais pas un procès. Tu es si attentif aux fautes, Seigneur, Seigneur,
qui pourrait tenir le choc ?
7.
Laisse-moi parler à ton amour.
je suis terre et cendre
Laisse-moi parler.
Je parle à ton amour et non à l’homme qui rirait de moi. Toi aussi tu
peux rire de moi. Mais touché, tu prends pitié.
Mais qu’est-ce que je peux bien vouloir dire, Seigneur ?
Je ne sais pas d’où je suis venu jusqu’ici, dans cette vie mortelle ou
cette mort vivante – je ne sais pas.
Et m’ont recueilli les consolations de ton amour, comme je l’ai
entendu dire de mon père et de ma mère charnels, celui de qui et celle
en qui tu m’as formé dans le temps. Moi, évidemment, je ne m’en souviens pas.
Et m’ont recueilli les consolations du lait humain. Ni ma mère ni mes
nourrices ne remplissaient d’elles-mêmes leurs seins. C’est toi, par leur
intermédiaire, qui me donnais
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