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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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Mais lui n’a
pas disparu. Pour aller où ? Pourtant le nourrisson n’était déjà plus, etmoi je n’étais plus un tout petit qui ne parle pas mais déjà un enfant
doué de parole. Je m’en souviens.
    Comment j’ai appris à parler, je n’y ai fait attention que plus tard. Non,
les grandes personnes ne m’ont pas instruit en me présentant les mots
dans un certain ordre savant, comme un peu plus tard elles le feront avec
les lettres de l’alphabet. C’est moi, à l’aide de mon entendement, celui
que tu m’as donné, mon Dieu, en gémissant, en criant beaucoup, en gesticulant beaucoup, c’est moi qui cherchais à extérioriser les pensées de
mon cœur pour qu’on obéît à ma volonté. Mais je n’arrivais pas à tout ce
que je voulais ni avec tous ceux que je voulais. Je compensais alors par la
mémoire. Quand les autres nommaient quelque chose et qu’à la suite de
ce son ils se déplaçaient physiquement vers ce quelque chose, j’observais
et je retenais que pour eux cette chose s’appelait du son qu’ils émettaient
quand ils voulaient la désigner. Or leur volonté s’exprimait par un mouvement du corps, semblable aux expressions naturelles de tous les
peuples – jeux de physionomie, clins d’yeux, gesticulations diverses, liés
au son de la voix – pour signifier l’intention de réclamer, de posséder, de
rejeter ou de fuir les choses. Je recueillais progressivement les mots mis à
leur place dans diverses phrases, et couramment entendus, comme les
choses dont ils étaient les signes. J’énonçais ainsi mes volontés à l’aide de
mes lèvres peu à peu dressées pour émettre ces signes.
    Avec ceux qui vivaient autour de moi, j’échangeais des signes pour
énoncer mes volontés. Et je pénétrais ainsi plus loin dans la société orageuse de la vie humaine, dépendant de l’autorité de mes parents et des
injonctions des grandes personnes.
    14.
    Dieu mon Dieu, que de malheurs j’ai pu connaître et que de manèges
puisqu’on proposait comme modèle de vie, à l’enfant que j’étais,
d’obéir à des gens qui me poussaient à briller dans ce monde, à exceller dans les arts du langage, et à me soumettre aux honneurs des
hommes et aux richesses clinquantes.
    Je fus alors envoyé à l’école pour apprendre à lire.
    L’utilité de tout ça, je l’ignorais, pauvre de moi. Si j’apprenais trop
lentement, j’étais battu – méthode prisée des adultes. Beaucoup avantnous, dans cette vie, ont eu à suivre ces mêmes chemins de peines que
nous étions contraints d’emprunter, multipliant le travail et la douleur
des fils d’Adam.
    Mais nous avons aussi rencontré, Seigneur, des hommes de prière,
qui nous ont appris, dans la mesure de nos capacités, que tu étais quelqu’un d’immense, que tu pouvais même sans répondre à nos sens nous
entendre et venir à notre secours.
    Oui, enfant, j’ai commencé à te prier
    mon aide mon refuge
    Pour t’appeler, je brisais les nœuds de ma langue. Moi le tout petit,
je te priais avec une passion qui n’était pas petite. Principalement pour
ne pas être battu à l’école. Mais tu ne m’écoutais pas – sans doute pour
ne pas manquer de sagesse à cause de moi. Et les adultes, mes propres
parents compris, même s’ils ne voulaient pas qu’il m’arrive le moindre
mal, riaient des coups que je recevais et qui représentaient pour moi
une immense et insupportable souffrance.
    15.
    Existe-t-il quelqu’un, Seigneur, une âme assez grande, qu’une
énorme passion attache à toi, existe-t-il, dis-je, quelqu’un – même par
stupidité – fidèlement attaché à toi par une si forte passion que les chevalets de torture, les ongles et divers instruments de torture du même
genre, auxquels on te supplie, effrayés, d’échapper partout sur la terre,
représenteraient si peu de choses au point de rire de ceux qui en ont si
peur ? Comme nos parents riaient des tourments que nos maîtres nous
infligeaient. Non, nous n’avions pas moins peur et nous ne t’implorions
pas moins de pouvoir y échapper. Et il nous est arrivé de faire des fautes
en traçant des lettres, en les lisant ou en les visualisant à l’esprit, avec
moins d’attention qu’on n’était en droit d’attendre de nous.
    Seigneur, nous n’avons manqué ni de mémoire ni de talent – tu as
voulu que nous en ayons suffisamment pour notre âge –, mais nous adorions jouer, et nous étions punis par ceux qui pourtant jouaient euxaussi. Mais les

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