Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
engeance figure dans ce livre et y est dénoncée, qu’il s’agisse de mes
contemporains ou de mes devanciers. L’avertissement de ton esprit, par
l’intermédiaire de ton esclave bon et fidèle, était donc salutaire :
Attention à ne pas vous laisser ravir par la philosophie, vaine super-cherie dans la tradition des hommes, et du système du monde, et non
pas du Christ, en qui il y a réellement toute la plénitude de la divinité 3 .
Moi, en ce temps-là, tu le sais, lumière de mon cœur, je ne connaissais pas encore ces paroles apostoliques, et une seule chose m’a réjoui
dans cette exhortation à la philosophie : non pas tel ou tel système, mais
la sagesse elle-même, quelle qu’elle soit, et que j’ai voulu aimer, rechercher, atteindre, posséder et embrasser avec force. Ce discours m’excitait, me passionnait, m’incendiait. Dans cet embrasement, une seulechose venait briser mon élan : le nom du Christ n’y figurait pas. Parce
que ce nom de ton amour, Seigneur, ce nom de mon libérateur, ton fils,
mon tout jeune cœur l’avait bu dès le lait maternel, et l’avait conservé
au fond de lui.
Et rien sans ce nom, fût-ce de la belle et authentique littérature, ne
pouvait me captiver entièrement.
9.
J’ai décidé de m’intéresser aux Écritures saintes pour voir un peu ce
qu’elles étaient. Et j’y vois une chose que les puissants ne peuvent
apprendre, que les enfants ne peuvent mettre à nu. Chose obscure au
premier abord, profonde en avançant, et voilée de mystères. Moi, je
n’étais encore pas fait pour y entrer ni pour l’approfondir avec humilité. Mais ce que je dis aujourd’hui, ce n’est pas ce que j’ai pensé sur le
moment, en m’intéressant à ces Écritures : elles m’ont paru alors
indignes d’être comparées à la majesté d’un Cicéron. Oui, ma prétention était un obstacle à leur modestie. Mon esprit perspicace n’a pas
suffi à les pénétrer. Pourtant, c’est vrai, elles grandissent avec les plus
petits, mais j’excluais être tout petit. Dans mon arrogance démesurée,
je me voyais grand.
10.
Je suis ainsi tombé chez des hommes aux délires de puissance, charnels à l’excès, et bavards 4 . Dans leur bouche, les pièges du diable, et
une mélasse faite des syllabes de ton nom, de celui du Seigneur Jésus-Christ et du Paraclet, notre consolateur, le Souffle saint. Ils avaient toujours ces noms-là à la bouche, des paroles seulement, des claquements
de langue, mais pour le reste c’était un cœur vide de vérité.
Ils disaient : vérité, vérité. Oh ils me parlaient beaucoup de la vérité
mais elle n’était nulle part en eux. Ils parlaient faussement de toi qui es
vraiment la vérité, mais aussi des éléments de ce monde, de ta création.
Sur tous ces sujets, même quand les philosophes disent vrai, j’ai dû les
dépasser devant ton amour
mon père souverain
beauté de toutes les beautés
Oh vérité, vérité, du fond du cœur, c’est la mœlle de mon âme qui
soupirait vers toi quand ils faisaient résonner ton nom à mes oreilles, si
souvent et de façon si variée, dans leurs paroles ou dans leurs énormes
et nombreux livres. C’était ce qu’on me servait à manger. J’étais affamé
de toi et à ta place on me gavait de soleil et de lune, tes beaux ouvrages,
mais tes ouvrages simplement. Il ne s’agissait ni de toi ni même de tes
premiers ouvrages. Oui, tes ouvrages spirituels sont supérieurs à ces
ouvrages physiques, aussi lumineux et célestes soient-ils.
D’ailleurs moi, j’étais affamé et assoiffé non de ces premiers ouvrages
mais de toi-même, vérité, dans laquelle il n’y a ni changement ni l’ombre
d’un mouvement. Or on me nourrissait de fantasmes clinquants. Il aurait
mieux valu aimer le vrai soleil visible plutôt que ces mirages trompeurs
pour l’esprit et le regard. Et comme je pensais à toi, je mangeais sans avidité. Tu n’avais pas dans ma bouche le goût de ce que tu es vraiment.
Non, ces mirages vides, ce n’était pas toi. Ils ne me nourrissaient pas et
me rendaient toujours plus vide.
Dans les rêves, les aliments ressemblent aux aliments de la vie éveillée.
Mais ils ne nourrissent pas les dormeurs puisqu’ils dorment. Ces mirages
ne ressemblaient en rien à toi qui maintenant m’as parlé. C’étaient des
fantasmes de corps, de corps faux. Les corps réels que nous voyons avec
nos yeux de chair sont plus avérés, dans le ciel ou sur terre. Le bétail et
les
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