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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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promener dans les jardins sous les remparts.
Deux par deux, au hasard, ils se promenaient séparément, Ponticianus
avec l’un, et les deux autres ensemble. Chacun de son côté. Ces derniers, dans leur vagabondage, tombent sur une cabane où habitaient
certains de tes esclaves, ces pauvres d’esprit à qui appartient le royaume
des cieux. Ils découvrent un codex retraçant la vie d’Antoine. L’un
deux se met à lire. Stupéfaction. Feu. À la lecture, il se prépare à
embrasser la même vie, à quitter l’armée du monde pour te servir. Ils
appartenaient aux chargés de mission, comme on les appelle dans
l’armée. Brusquement, plein d’un amour saint et d’une sage tempérance, en colère contre lui-même, il foudroie son ami du regard. Dis-moi, je te demande, avec tout ce mal que nous nous donnons, que cherchons-nous à atteindre ? Que voulons-nous ? Que faisons-nous dans
l’armée ? Que pouvons-nous espérer de plus au palais que d’être amis
de l’empereur ? Mais rien de plus fragile, rien de plus dangereux. C’est
beaucoup de dangers traversés pour atteindre de plus gros dangers
encore. Et puis quand y parviendrons-nous ? Alors que pour être ami
de Dieu, il suffit de le vouloir, et c’est fait sur-le-champ.
    Il avait parlé. Une vie nouvelle enfantait. Il était bouleversé. Son
regard est revenu sur les pages du livre. Il lisait. Il changeait de l’intérieur. Tu en étais témoin. Son esprit se débarrassait du monde. Ce serait
bientôt visible. Oui, pendant qu’il lisait, qu’il libérait les flots de son
cœur, il y eut un moment de frisson où il a pu distinguer le meilleur
choix et trancher. Déjà bien à toi, il dit à son ami : je coupe avec notre
ambition. Je veux servir Dieu. Immédiatement. Je commence ici même.Et si c’est trop difficile pour toi, ne m’en veux pas. Mais l’autre répond,
je suis attaché à toi, je m’associe à un si beau salaire, à une si belle
armée. Et tous les deux, déjà à toi, construisent leur demeure en payant
le prix : tout abandonner pour te suivre.
    Entre-temps, Ponticianus et son compagnon s’étaient promenés dans
d’autres parties du jardin et les cherchaient. Ils arrivent sur les lieux, les
retrouvent et leur conseillent de rentrer. Déjà le jour déclinait. Mais les
autres leur racontent ce qu’ils ont décidé et projeté. Et comment est née
et s’est affermie en eux cette volonté. Ils les supplient de ne pas s’y
opposer s’ils refusent de se joindre à eux. Leurs amis n’ont rien voulu
changer à leur mode de vie mais ont pourtant, selon le narrateur, versé
des larmes sur eux-mêmes. Ils les ont congratulés affectueusement, et se
sont recommandés à leurs prières. De retour au palais, ils traînaient leur
cœur dans la poussière. Les autres, au contraire, ont fixé leur cœur dans
le ciel et sont restés dans la cabane. Ils avaient des fiancées qui, dès
qu’elles apprirent ce qui s’était passé, t’ont offert elles aussi leur virginité.
    16.
    Voilà le récit de Ponticianus.
    Et toi, Seigneur, au beau milieu de ses paroles, tu m’as fait pivoter sur
moi-même. Je me tournais le dos. Je ne voulais pas me regarder. Tu m’as
forcé à me faire face. Voir comme j’étais dégoûtant, difforme, sordide,
sale et couvert d’ulcères. Je me suis vu. Horreur. Et nulle part où échapper à moi. Je faisais des efforts pour détourner de moi mon propre
regard, mais il y avait le récit de cet homme, ce qu’il racontait. Tu me
dressais encore une fois contre moi-même, tu me forçais à me regarder,
à affronter mon crime, et à le haïr. Je le reconnaissais mais j’étais dissimulateur, fuyant, et oublieux.
    17.
    À cet instant, oui, plus j’aimais intensément ceux dont je venais
d’apprendre les sentiments libérateurs, qui s’étaient donnés tout entiers
à toi pour guérir, et plus je me trouvais ignoble comparé à eux. Je me
haïssais. Tant d’années, douze peut-être, s’étaient écoulées depuis la lecture, à dix-neuf ans, de l’ Hortensius de Cicéron qui avait excité ma passion pour la sagesse. Mais j’ai tardé à renoncer aux plaisirs terrestres, età libérer du temps pour chercher, non pas découvrir mais déjà chercher
simplement – chose préférable à la découverte des trésors et des pouvoirs sur les peuples, préférable aux plaisirs de la chair qui affluent de
partout au moindre signe.
    Moi, adolescent si malheureux, malheureux dès les débuts de l’adolescence,

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