Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
avait
été moins important ? C’est que, pour toi aussi, père compatissant, tu as
plus de joie pour un seul repenti que pour quatre-vingt-dix-neuf justes
qui n’ont pas besoin de se repentir. Et notre plus grand plaisir, c’est
d’entendre ce que nous venons d’entendre : le berger qui rapporte la
brebis égarée sur ses joyeuses épaules, la drachme replacée dans tes trésors, et les voisines congratuler la femme qui l’a retrouvée. Et la joie
nous tire des larmes lors de la fête de ta maison quand on lit dans ta
maison à propos de ton plus jeune fils : il était mort et il vit à nouveau.
Il était perdu et il est retrouvé. Oui, tu es joyeux avec nous et avec tes
anges saints, sanctifiés par l’amour saint.
Tu es toujours le même. Tu connais toujours sur le même mode ce
qui n’est pas toujours ni sur le même mode.
7.
Que se passe-t-il dans l’âme pour qu’elle ait plus de joie à découvrir
ou à retrouver des choses qu’elle aimait plutôt qu’à les avoir toujours
possédées ? Oui, on en a beaucoup de preuves. Partout, on entend le cri
témoignant : c’est ainsi.
L’empereur victorieux triomphe. Mais sans combattre, il n’aurait pas
vaincu. Plus le danger au combat fut important, plus la joie du
triomphe est grande. La tempête ballotte les navigateurs et les menace
de naufrage. Tous blêmissent à l’approche de la mort. Que le ciel et la
mer se calment et on est fou de joie comme on a été fou de peur. Un
ami tombe malade. Son pouls atteste le mal. Tous ceux qui souhaitent
sa guérison sont malades pour lui. Et puis les choses tournent bien. Il
est encore chancelant, sans forces, qu’il déclenche déjà une joie comme
jamais il n’y en eut quand il se déplaçait en bonne santé et vigoureux.
Et les plaisirs de la vie humaine qui fondent sur nous à l’improviste et
indépendamment de notre volonté, l’homme ne les connaît qu’au travers de chagrins volontaires et planifiés. Manger, boire sont des plaisirs
qui ne viennent qu’après la brûlure de la faim et de la soif. Les ivrognes
salent leurs plats pour exciter en eux le feu de la soif et l’éteindre dans
une beuverie d’où ils tirent leur plaisir. La société prévoit qu’on ne livre
pas immédiatement les fiancées une fois l’engagement pris. Elles pourraient être dévalorisées aux yeux du mari qui n’aurait pas comme fiancé
soupiré et attendu.
8.
C’est toujours la même chose. Joie ignoble et exécrable, ou amour
innocent et licite, ou même amitié très profonde et honnête, celui qui
était déjà mort et qui vécut à nouveau, qui était perdu et qui fut
retrouvé. Partout la joie est plus grande précédée d’un plus grand chagrin.
Et pourquoi, Seigneur mon Dieu ? Tu es pour toi, et pour toujours,
joie toi-même. Ceux qui t’entourent trouvent toujours en toi la joie.
Mais pourquoi les autres subissent une alternance de défaites et de progrès, d’échecs et de réconciliations ? s’agirait-il de leur mode ? de ce
qu’ils auraient reçu de toi, quand de l’extrémité du ciel jusqu’aux profondeurs de la terre, du commencement à la fin des temps, de l’ange au
vermisseau, du premier au dernier mouvement, à tous les genres de
biens et à toutes tes justes créations, tu attribuais à chacun une place, tu
faisais apparaître chacun en son temps ?
Pauvre de moi. Comme tu es haut dans les hauteurs et profond dans
les profondeurs. Tu as beau ne t’éloigner nulle part, nous revenons vers
toi difficilement.
9.
Eh bien, Seigneur, viens nous secouer et nous ramener.
Brûler. Ravir. Feu. Douceur. Aimons. Courons.
Beaucoup, n’est-ce pas, reviennent vers toi d’aveugles enfers plus
profonds que ceux de Victorinus. Ils s’approchent. La lumière les
accueille et les illumine. Ceux que la lumière accueille reçoivent de toi
le pouvoir d’être faits tes fils. Mais moins populaires, moins grande est
la joie – même parmi leurs connaissances. Oui, chacun éprouve plus de
joie quand nous sommes nombreux à nous réjouir. On s’échauffe. Ons’enflamme au contact des autres. L’exemple édifiant des célébrités
touche ainsi plus de gens. De nombreuses personnes sont prêtes à les
suivre. C’est pourquoi ceux qui les ont devancés éprouvent beaucoup
de joie. Cette joie n’étant pas due à une personne uniquement. Ce qui
n’équivaut pas pour moi à dire qu’on accueille sous ton tabernacle les
riches avant les pauvres ou les nobles avant les roturiers. Au
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