Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
répondre,
convaincu de la vérité, sinon des paroles indifférentes et somnolentes :
oui, tout de suite… voilà, voilà… un petit instant… mais ces « tout de
suite, tout de suite » n’avaient jamais de suite, et le « petit instant »
traînait en longueur. L’homme intérieur en moi se plaisait dans ta loi
mais c’est une autre loi dans mes membres qui luttait contre la loi de
mon intelligence et m’enchaînait à la loi du péché qui était dans mes
membres. Oui, la loi du péché c’est la violence de l’habitude. Elle
entraîne et retient l’esprit contre son gré. Juste sanction car il se laisse
faire volontairement.
Je suis malheureux.
Qui me délivrera de ce corps qui me conduit à la mort sinon ta grâce
par Jésus Christ notre Seigneur ?
13.
J’étais étroitement enchaîné au désir d’accouplement. J’étais esclave
du commerce du monde. Et je vais raconter, avouer à ton nom, Seigneur, mon aide et mon rédempteur, comment tu m’as délivré.
Ma vie ordinaire se passait dans une anxiété croissante. Chaque jour,
je soupirais après toi. Je fréquentais ton assemblée dès que mes pesantes
affaires, qui me faisaient gémir, me laissaient un moment de libre. Alypius vivait avec moi, libéré de ses fonctions judiciaires, après avoir été
assesseur pour la troisième fois. Il cherchait à monnayer de nouveau ses
conseils. Comme moi qui vendais l’apprentissage de l’éloquence, si tant
est que cela puisse s’enseigner. Nébridius, par amitié pour nous, avait
fini par seconder Verecundus dans son enseignement, notre ami intime
à tous, citoyen et grammairien de Milan. Verecundus désirait, et réclamait avec véhémence qu’au nom de l’amitié un membre de notre
groupe lui apporte l’aide dont il avait tant besoin. Ce n’est pas la perspective d’avantages personnels qui poussa Nébridius. Il aurait pu, s’il
avait voulu, en tirer de plus grands de sa culture littéraire. Mais la bienveillance lui imposa de ne pas repousser notre requête, comme un ami
très aimable et doux. Il agissait d’ailleurs avec beaucoup de prudence,
veillant soigneusement à ne pas se faire valoir auprès des grands personnages du monde. Il voulait éviter ainsi toute inquiétude, rester libre et
se ménager le plus possible des heures de loisir pour étudier, lire, et parler de philosophie.
14.
Un jour, Nébridius était absent (j’ai oublié pourquoi), et à notre
grande surprise, un certain Ponticianus nous rend visite, à Alypius et
moi. C’était un de nos compatriotes africains. Il avait un poste important au palais. Je ne sais pas ce qu’il nous voulait. Mais nous nous
sommes assis pour parler. Il remarque alors par hasard un livre devant
nous, sur une table de jeu. Il le prend, l’ouvre et découvre qu’il s’agit de
Paul, l’envoyé. Il ne s’y attendait pas. Il avait imaginé que c’était un de
ces manuels qui rendaient mon métier si fastidieux. Il sourit. Me
regarde avec gratitude. Étonné de tomber sur ce livre, de découvrir
qu’il n’y ait que lui sous mes yeux. Mais lui-même est chrétien fidèle.
Souvent, il se prosterne à l’église devant toi, notre Dieu, pour de
longues prières répétées. Je lui apprends alors que je consacre un soin
extrême à ces Écritures. La conversation s’engage. Il raconte l’histoire
d’Antoine 6 , ce moine égyptien dont le nom illustre brille chez tes
esclaves mais qui jusque-là ne nous disait rien. Il s’en aperçoit et, en
s’étonnant de notre ignorance, il prend le temps de nous familiariser
avec ce si grand homme. On s’extasie d’entendre venant de toi, de la
vraie foi et de l’église catholique, de telles merveilles avérées, de si
proche mémoire, presque contemporaines. Nous étions tous stupéfaits.
Nous de l’existence de si grandes choses, et lui de notre lacune.
15.
De là, son discours nous entraîne vers les foules des monastères, les
vies dédiées à ton parfum, les solitudes qui fécondent le désert. Et dont
nous ne savions rien. À Milan, il y avait un monastère rempli de frères
bons, à l’extérieur des remparts de la ville, entretenu par Ambroise, et
nous l’ignorions ! Et lui poursuivait, parlait toujours. Nous étions attentifs et bouche bée. Il en vint à raconter qu’une fois, je ne sais quand,
mais à Trèves très probablement, lui et trois de ses camarades, un après-midi alors que l’empereur était retenu par le spectacle des jeux du
cirque, étaient sortis se
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