Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
suffisamment simple et répétitif pour contribuer à obtenir une sorte de cadre.
Les mois suivants, lorsque des attaques réussies contre l’Enigma débouchèrent sur une méthodologie de cryptanalyse bien précise, les baraquements devinrent des lieux où régnait une extraordinaire et intense activité, où s’affairaient non seulement les cryptanalystes mais également les traducteurs. « Lorsque les cryptanalystes avaient craqué un code, expliquait Peter Twinn, ils prenaient place et procédaient eux-mêmes au déchiffrement minutieux de 500 messages… Une fois les 20 premières lettres liquidées et transformées en contenu allemand parfaitement sensé, ce n’était alors plus du ressort de gens comme moi. »
Ces messages étaient alors transmis à la salle des machines, dans laquelle des machines de codage Typex britanniques avaient été installées pour reproduire le fonctionnement des machines Enigma. Dans cette salle, des opérateurs, généralement des femmes, paramétraient les machines avec les clés déchiffrées, prenaient place et se mettaient à pianoter sur le clavier. Si le code avait été correctement craqué, ce qu’elles saisissaient apparaissait en allemand intelligible.
Venait ensuite l’opération de traduction. L’historien et cryptanalyste Peter Calvocoressi se rappelle :
Dans le baraquement 3, les personnes de service prenaient place autour d’une table en forme de fer à cheval. Leur mission était de traduire le contenu déchiffré provenant du baraquement 6, de l’interpréter et de le transmettre à l’extérieur. Elles recevaient tout un lot de morceaux de papier de la taille d’un télégramme classique.
Ces courriers étaient constitués de groupes de cinq lettres qui formaient, dans l’idéal, des mots allemands. Une dizaine de personnes étaient assises autour de la table semi-circulaire. Le chef prenait place à l’intérieur de ce demi-cercle, faisant ainsi face à ses collègues en train de gribouiller ou de se gratter la tête. Ils maîtrisaient tous l’allemand aussi bien que l’anglais.
Le profil idéal pour occuper ce poste était celui du professeur, car il était méticuleux. S’ils n’étaient pas satisfaits, ils renvoyaient une traduction à un éminent confrère.
Une fois les messages déchiffrés et traduits, ils passaient par un système de références croisées à base de cartes, horrible casse-tête sur le plan de l’organisation. Et il semble que cette procédure ne pouvait être exécutée que par des filles de la haute société. Oliver Lawn se souvient :
Les gens du renseignement étaient bien sûr capables de lire les messages. Ils pouvaient le cas échéant décider des informations à transmettre à telle personne. Et, pour les aider dans cette tâche, ils disposaient d’un énorme fichier.
Prenons au hasard l’exemple d’un certain Bruno Schmidt. Cité dans un précédent message déchiffré, il était donc normalement inscrit au fichier. On pouvait ensuite le ressortir s’il figurait dans d’autres messages.
On pouvait poser la question : « Ah oui, ce gars bosse dans les fusées. On l’a fait passer de A à B. Pourquoi ? » Cette information ressortait grâce à l’accumulation de données dans le fichier. Ça, c’était la dimension informative. Maintenant, le fichier figurait dans une section baptisée en interne « le délice des débutantes ».
Ça, c’était parce que les débutantes, dames de la haute société, étaient considérées comme les personnes idéales pour réaliser ce travail d’indexation. Ces dames, dont quelques-unes avaient plutôt un petit cerveau, étaient de bonne famille, très loyales et soucieuses des questions de sécurité.
Résultat du système de « fiches » et du principe des « cillis » et grâce au rôle primordial des cryptanalystes polonais, Bletchley Park parvint à craquer des messages militaires très récents (et non d’anciens messages) chiffrés à l’aide d’une machine Enigma en janvier 1940.
Alan Turing avait été dépêché à Paris pour s’entretenir avec les Polonais de sujets tels que les changements de rotors sur la machine Enigma. Il avait avec lui quelques fiches Zygalski. En l’espace de quelques jours, cette méthode leur permit de craquer une clé Enigma. L’un des mathématiciens polonais, Marian Rejewski, se souvient de ses échanges avec Turing : « Nous considérions Alan Turing comme un jeune collègue
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