Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
meilleure nation renaisse des événements.
Quand le capitaine Eric Jones prit la direction du baraquement 3, tous ceux qui travaillaient avec lui ne pouvaient s’empêcher de faire des commentaires sur sa façon de prononcer les voyelles, typique du Cheshire, et sur l’origine de sa richesse. « …Ses compétences pour le poste n’apparurent pas immédiatement. Il était grossiste en vêtements à Macclesfield », écrivait William Millward. Peter Calvocoressi pensait qu’il avait « décroché le pompon ! » Mais, élément décisif, ces mêmes personnes soulignaient comme il était brillant à ce poste. Tous ceux qui ont travaillé avec le capitaine Jones (qui devait devenir Sir Eric) louaient ses principes et sa force de caractère lui permettant de gérer en douceur des « intrigues et controverses pénibles », comme le soulignait Millward.
Ils semblaient indiquer, mais sur un ton légèrement condescendant, que le parcours de Jones justifiait sa force tranquille et qu’il était l’exact opposé d’une chiffe molle d’aristo. Et, contrairement à l’époque du ministère des Affaires étrangères d’avant-guerre, lorsque les recrues avaient tendance à sortir des classes aisées, Jones était l’un des hommes qui devaient constituer l’ establishment d’après-guerre et diriger l’institution succédant à Bletchley Park, le Government Communications Headquarters (GCHQ) 24 .
Même s’ils ne pouvaient pas le savoir, ces jeunes cryptographes, issus de petits collèges secondaires privés et de lycées, et leurs pairs, allaient devenir les voix dominantes d’une nouvelle ère.
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1941 : la bataille de l’Atlantique
Lorsque le conflit s’élargit, le travail réalisé à Bletchley Park gagna en importance et la pression liée au souci du détail s’intensifia. En 1941, lors de la bataille de l’Atlantique, les espions allemands actifs dans divers ports rapportèrent au haut commandement qu’un énorme convoi britannique, constitué de treize cargos, quatre pétroliers et des navires transportant d’innombrables pièces détachées d’avions, quittait les côtes africaines. Le message en question fut envoyé à Hitler par radio, ce qui signifie qu’il fut intercepté par les Transmissions du renseignement britannique. Il fut déchiffré à Bletchley, peut-être même avant d’être reçu par le haut commandement allemand. Résultat, le convoi britannique fut averti de cette attaque allemande imminente et parvint à user de manœuvres dilatoires.
Les dangers effroyables que couraient les convois naviguant en Atlantique étaient parfaitement visualisés par les personnes restées à terre. Des U-Boote traquaient impitoyablement les bâtiments, puis lançaient leurs torpilles, occasionnant des pertes importantes parmi les membres d’équipage et parfois les civils, qui se retrouvaient projetés dans des eaux d’un froid glacial. La peur de perdre des produits et denrées s’accompagnait d’un élan de compassion douloureux pour ces hommes en mer. N’importe quelle victoire navale n’avait donc pas son pareil pour regonfler le moral du peuple britannique.
Mars 1941 fut marqué par une nette amélioration sur le plan du moral, en grande partie grâce à Mavis Batey, qui travaillait dans le Cottage, aux côtés de Dilly Knox, sur l’Enigma italienne. Mme Batey se souvient en souriant du talent de Knox pour examiner les problèmes sous des angles inattendus. « Dilly posait la question : “Comment se déplacent les aiguilles d’une horloge ?” De la gauche vers la droite, lui répondait-on. Mais Knox rétorquait que cela dépendait de la façon dont on se situait : en tant qu’observateur ou en se mettant à la place de l’horloge. »
Et cette approche latérale était appliquée à la machine Enigma. Mme Batey possède encore les « tiges » qui servaient à découvrir l’ordre et la position de départ des rotors afin de pouvoir déchiffrer le message. Mais ces tiges n’étaient pas d’une grande utilité si la personne qui les manipulait ne possédait pas une intelligence supérieure. C’est par une nuit de septembre 1940 que Mme Batey avait avancé dans sa compréhension du code, en devinant que le premier mot d’un message donné, dont ils pensaient avoir trouvé les lettres PERX, était en fait PERSONALE, « personnel ».
Elle avait donc son point de départ, qui permettait de disposer de deux ou trois lettres potentiellement présentes dans
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