Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
le message. Une nuit de travail plus tard, à faire preuve d’une patience infinie et d’une concentration extraordinaire, Mme Batey avait identifié l’ordre des rotors et le paramétrage du message. Elle avait fait montre d’une inspiration et d’une persévérance admirables.
Au printemps 1941, c’est cette même approche délicate qui permit de craquer un message destiné à un commandant de la marine italienne : « Aujourd’hui, 25 mars, X–3 ». Comme le dit maintenant Mme Batey : « Si vous captez un message disant “aujourd’hui moins trois”, vous savez alors qu’il se prépare quelque chose d’important. »
C’était en effet le cas. D’autres messages précis furent envoyés par la suite. Mavis travailla dessus, enchaînant les gardes, sans quitter le Cottage. Puis : « Il était 23 heures et il pleuvait à verse quand je suis sortie à toute vitesse le porter aux services de renseignement pour qu’il soit transmis à l’amiral Cunningham. »
Après avoir étudié son contenu, les analystes déduisirent du message que la flotte italienne prévoyait d’attaquer les transports de troupes maritimes allant d’Alexandrie au Pirée. L’amiral Cunningham était chargé de l’opération qui tendit une embuscade explosive à quatre destroyers et croiseurs italiens au large de la Sicile. Pour les Italiens, les Britanniques étaient sortis de nulle part.
Ce fut une opération spectaculaire, comme le raconta avec enthousiasme à Bletchley Park l’amiral John Godfrey, directeur du renseignement naval. Il laissa un message téléphonique : « Dites à Dilly que nous avons remporté une grande victoire en Méditerranée que l’on doit entièrement à lui et ses filles. »
Mme Batey décrit de façon vivante comment, lorsque qu’il se produisait un événement d’une importance vitale, les casseurs de codes persévéraient jusqu’à ce que la mission soit accomplie. « Le travail fut enfin achevé au beau milieu de la nuit, après trois nuits consécutives de travail », dit-elle.
Elle évoque avec modestie son rôle, pourtant crucial.
Les Italiens ont vendu la mèche en commettant des erreurs. Nous avions un regard acéré, habitué à repérer les choses. J’ai reçu un long message qui ne comportait [déchiffré] pas un seul « L ». Les Italiens envoyaient très peu de télégrammes. Par conséquent, le simple fait qu’ils envoient des messages vous indiquait automatiquement qu’ils allaient faire quelque chose d’inhabituel.
Ils n’arrêtèrent pas d’envoyer des messages factices afin que cela ait l’air d’une transmission normale. Et, bien entendu, cet Italien s’était contenté de rester assis là, le doigt constamment appuyé sur le « L », en fumant une clope. Le plus beau message chiffré de l’histoire.
Un message de cette longueur ne contenant que des « L » ! Cela a permis de craquer l’un des rotors de la machine Enigma italienne.
En 1941, une autre bataille navale d’importance pour Bletchley se déroula dans le cercle polaire arctique, avec l’attaque britannique de navires allemands. La cible était un chalutier, le Krebs , car on savait qu’à bord se trouvait une machine Enigma, d’une valeur inestimable pour craquer ces codes navals allemands presque inviolables. Sentant le danger, le capitaine allemand balança la machine par-dessus bord, dans l’océan gelé, mais fut tué avant d’avoir pu détruire ses documents de chiffrement et tableaux de digrammes. Ces éléments vitaux furent récupérés et enfin ramenés à Bletchley Park afin d’être reconstitués.
Vint ensuite l’épisode de l’U-110, encore plus remarquable. Dans les premiers jours de la guerre, ce U-Boot avait horrifié le peuple en torpillant et coulant le paquebot Athenia . L’U-110 fut à son tour attaqué à coups de grenades sous-marines et capturé en Atlantique. Le capitaine, Julius Lemp, fut incapable d’empêcher les Britanniques de s’emparer des précieux documents Enigma, dont les tableaux de digrammes, que l’on achemina à toute vitesse à Bletchley. Le sous-marin coula alors qu’on le remorquait vers l’Islande. Au tour de l’équipage de périr, lui qui avait torpillé et noyé tellement de marins. Ces opérations navales courageuses contribuèrent à la réussite exceptionnelle de Bletchley, à savoir la victoire sur l’Enigma navale notoirement incassable.
En 1940, Alistair Denniston avait fait observer au chef de
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