Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
mettre nues.
Cependant, en dehors de ces privations, faisant peut-être partie d’un mode de vie délibérément spartiate, une perspective plus agréable pour certaines Wrens commença à se dessiner. Jean Valentine se souvient : « Le dernier jour, on nous a rassemblées dans une salle. On devait être une quarantaine ou une cinquantaine. On nous a demandé de rester assises là ; on nous appellerait une par une pour nous dire où nous allions et ce que nous allions faire. Lorsque cela a été mon tour, j’ai dit ce que l’on m’avait appris et j’ai pris place sur une chaise devant trois ou quatre officiers assis face à moi. “Nous ignorons ce que l’on va vous demander de faire, mais on nous a dit de rechercher des personnes comme vous. Vous partez donc demain pour Londres.” »
Après un bref interlude source d’excitation dans la capitale, le travail revint vite au premier plan des préoccupations. Mais une certaine perplexité était toujours de mise. « Je me suis ensuite rendue à Eastcote, dans le Middlesex, où se trouvait l’annexe de Bletchley, raconte Jean. Et on m’a présenté la bombe ».
Mais, très vite, Jean Valentine eut des préoccupations plus sérieuses, en rapport avec la nature des postes qu’elle pourrait viser pendant la guerre. Pour n’importe quelle femme un tant soit peu ambitieuse, intervenir sur les bombes tenait un peu du travail en usine.
Seules les Wrens faisaient fonctionner les bombes. J’imagine que c’était parce que le patron était un marin et qu’il avait un penchant pour ses filles.
Mais nous ne pouvions espérer aucune promotion. Le principe était que, plus nous aurions l’air humbles, moins les gens de l’extérieur penseraient que nous faisions un travail d’une importance vitale. Si des gens nous demandaient ce que nous faisions, on avait pour consigne de répondre que nous étions des « rédactrices particulières », autrement dit des secrétaires.
L’absence de perspectives avait peut-être été mise en place par la hiérarchie militaire et non par les autorités de Bletchley Park. Contrairement aux Wrens, Sarah Baring parvint à décrocher une promotion, sous forme d’une affectation au cœur de la machine de guerre, à l’Amirauté, avec un rôle de représentation de Bletchley Park au sein de la marine.
J’ai été détachée à l’Amirauté début 1944. Les autorités de Bletchley Park y ouvrirent un bureau sous ce hideux et monstrueux bâtiment sur le Mall. La Citadelle, bloc de béton que les gens appelaient la « tombe de Lénine ».
Nous recevions tous les messages déchiffrés du Park concernant la marine. Ils nous arrivaient et c’était à nous de décider quoi en faire. Je faisais donc vraiment le même travail qu’à BP, sauf que je me trouvais à l’Amirauté. C’était Bletchley Park dans un bureau minuscule.
On peut aussi comparer l’histoire des Wrens à l’expérience des cryptanalystes Joan Murray et Mavis Batey, auxquelles on témoignait un respect quelque peu inhabituel à l’époque.
Aux dires de leurs supérieurs, toutes les Wrens envoyées à Bletchley ne se montraient cependant pas à la hauteur. Dans une note plutôt sèche destinée à l’Amirauté, Alistair Denniston faisait le tour d’horizon des cas portés à sa connaissance :
La Wren Kenwick fait des erreurs, est très lente, pas très intelligente et n’aime pas du tout son travail…
Les Wrens Buchanan et Ford ne sont pas intelligentes, sont lentes et semblent incapables d’assimiler quoi que ce soit. La Wren Rogers est un peu claustrophobe et ne peut pas travailler dans une pièce sans fenêtre.
Il semble y avoir une erreur au sujet de la Wren Dobson, dont nous n’avons pas eu à nous plaindre jusqu’à présent, car elle fait du bon travail. Mais maintenant que je l’ai informée de l’impossibilité de la transférer, elle semble avoir l’intention de mettre toute son énergie dans son travail. Elle pourrait donc faire partie de nos meilleurs éléments.
Bien entendu, toutes les femmes recrutées n’étaient pas des Wrens. On comptait également six WAAF, dont la mission fut, dès le départ, de s’occuper des échanges téléphoniques. Trente-six WAAF étaient chargées des communications entrantes et sortantes via les télescripteurs.
Pour un grand nombre de filles qui s’étaient engagées, cette vie leur réserva un certain nombre de surprises. Felicity Ashbee, appartenant aux
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